Chapitre 6
L’amarrage de Valaar était calme ; le quai, vide, et le soleil là-bas qui se noyait dans la mer en jetant ses derniers feux à travers de lourds nuages de pluie, faisaient un tableau mélancolique. L’équipage discutait dans un coin, sans un regard pour les voyageurs.
« C’est normal que ce soit désert ? demanda Thiwwina. Ze veux dire, y a encore du monde à l’Exodar ? »
Stropovitch opina du chef et prit le chemin qui s’enfonçait dans l’île. La gnomette lui emboîta le pas, jetant des regards curieux autour d’elle, à l’affût du moindre élément de décor inconnu, exotique. Le draeneï était tellement accablé de honte d’oser reparaître parmi les siens que, si la présence de la gnomette ne l’avait pas obligé à contenir ses sentiments, il aurait sûrement rebroussé chemin.
Elle aperçut enfin au-dessus des arbres une pointe lumineuse.
« Waaaaaaaaaaah ! »
C’était de toute évidence le sommet d’un gigantesque bâtiment. Dans la pénombre du crépuscule elle ne pouvait voir distinctement, mais les parois du vaisseau semblaient incrustées d’énormes cristaux émettant une lumière rose diffuse.
« Z’y crois pas, il est entièrement mazique ce truc. Ze le sens, c’est zuste une grosse masse imprégnée de mazie, la plus grande condensation que z’ai zamais vue ! Me demande d’où vous sortez ces cristaux. Y a vraiment aucune massine là-d’dans ? » Stropovitch exprima l’ignorance. Les yeux de Thiwwina brillèrent de curiosité. « Faudra que ze retourne en Outreterre, zai dû rater un truc, vers Raz-de-Néant, z’ai trouvé la rézion mosse alors z’ai pas vraiment exploré, mais ça sentait la mazie à plein nez, ze suis sûre que ze trouverai des infos là-bas. »
Stropovitch s’arrêta, interdit. Cette gnomette était allée à Draenor ? Il reprit son chemin, pensif. Décidément, le destin voulait qu’il renoue avec son passé plus tôt que prévu.
« Qu’est-ce que t’as Stropo ? » lui gazouilla-t-elle en faisant de petits bonds à côté de lui.
Il griffonna quelques mots, lui tendit la feuille.
Elle plissa les yeux pour parvenir à lire malgré l’obscurité. Et s’esclaffa.
« Eh bien comme on dit essanze de bons procédés très ser ami bleu, ze me ferai une zoie de vous guider en Outreterre après notre visite ici ! »
Stropovitch, se forçant un peu, lui adressa un sourire reconnaissant.
« Ah vi quand même c’est assez impressionnant. »
La partie émergée du vaisseau s’élevait en pointe à une trentaine de mètres de hauteur, toute de métal scintillant et de fragments minéraux roses qui chantaient un petit air cristallin.
« C’est zoli ze trouve, et pis c’est grand, y a de quoi mettre un peu de monde là-dedans, mais pour un peuple entier c’est pas grand-çose, devez pas être nombreux les rescapés. »
La lueur des yeux de Stropovitch se voila. Il lui fit signe d’entrer.
Les gardes les saluèrent d’un hochement de tête et s’écartèrent. Stropovitch hocha dignement la tête en réponse, soulagé de ne pas être reconnu ; suivi d’un tonitruant « Bonsoir messieurs Baraques ! » Les gardes, une fois remis de leur étonnement, éclatèrent de rire. Quant au guerrier, c’était la première fois qu’il prenait la mesure des dégâts du crash – il lutta furieusement contre les larmes qui montaient à ses yeux.
La touriste et son guide s’enfoncèrent dans les entrailles du vaisseau par un long couloir bordé de débris de métal et de cristaux – qui l’éclairaient. « Oulalaaaa z’ai rien dit, c’est bien plus grand qu’on le croit de l’extérieur ! Mais dis donc c’était pas une petite çute que zavez fait là pour que ça s’enfonce autant dans le sol ! » Le draeneï serra les dents.
Ils pouvaient entendre, grandissant, le brouhaha confus de la vie du vaisseau. Deux draeneï accompagnés de deux elekks lourdement chargés les croisèrent, en jetant un regard étonné à la gnomette.
« Ah bah zont zamais vu de gnome ici faut croire ! Remarque, moi la première fois que z’ai vu les tentacules qui vous servent de barbe z’ai failli vomir – ne prends pas ça personnellement hein… »
Ils débouchèrent dans le hall du vaisseau.
Le hall était d’une immensité à laquelle Thiwwina n’était pas préparée : bouche bée et les yeux comme des soucoupes, elle regarda pour une fois sans parler.
Du plancher à la voûte il y avait au bas mot cinquante mètres. La salle faisait également une bonne soixantaine de mètres de diamètre. Au centre, jaillissant d’un large puits bordé d’énormes cristaux, une colonne de lumière rose au chant cristallin. Les parois violettes réfléchissaient cette lumière tout en diffusant la leur propre. Tout le hall baignait dans un brouillard de lumière magnifique, qui rendait flous tous les contours et toute la vie qui l’agitait.
Car en contrebas, autour du puits, Thiwwina put voir des dizaines de draeneï conversant, commerçant, se promenant, s’affairant, des jeunes, des vieux, des hommes, des femmes, oisifs ou pressés, sereins ou inquiets. Tout autour des arches, des entrées vers d’autres parties du vaisseau – dont elle ne distinguait pas les dimensions, mais qui semblaient tout aussi vastes.
Un papier s’agita devant elle.
Elle cligna des yeux comme sortant d’un rêve et lut pensivement le mot. « Je te laisse visiter, tu me poseras toutes les questions que tu voudras après. Fais attention à rester respectueuse. Moi je dois aller voir notre Prophète, tu ne peux pas m’accompagner. On se retrouve à la grande auberge en face de toi. »
Elle leva les yeux vers Stropovitch – elle lui arrivait au genou –, lui sourit et acquiesça avec enthousiasme. Soudain, elle disparut. Stropovitch soupira. Une mage, évidemment. Rien de tel pour fouiner que de se téléporter partout.
Il prit une grande inspiration et descendit la rampe qui menait au hall. Les draeneï le regardaient tandis qu’il fendait la foule en s’efforçant de paraître détendu. Certains hochaient la tête poliment, d’autres le regardaient impassiblement. Quelques-uns le fixèrent avec suspicion, voire s’éloignèrent à son passage.
Une main gantée de métal épais s’abattit soudain sur son épaule – laquelle ne broncha pas, d’ailleurs.
« Tiens, qui voilà ! De retour à la maison ? »
Darotân.
Une colère extrême s’empara en rafale du draeneï, et sa première impulsion fut de sauter à la gorge de son ennemi. Mais il se retint, ses yeux rougeoyant des braises de la haine.
Je DOIS me contenir. Absolument. Par respect pour Velen. Pour ne pas souiller de sang la lumière des Naarus. Et c’est trop tôt. Je ne suis pas prêt.
Il se retourna enfin, avec un regard terrible – le regard que vous poseriez sur l’être qui aurait assassiné votre enfant – vers un draeneï vêtu d’une magnifique armure dorée et ornementée, armé d’une énorme masse scintillante dans le dos, tout ouvragée et sertie de gemmes à l’éclat sans défaut. L’ensemble de l’équipement pesait assez lourd pour fatiguer un elekk, mais le paladin le portait avec aisance.
« Ça fait longtemps vieux frère ! » s’exclama-t-il en lui broyant l’épaule, l’air sarcastiquement joyeux. Tout le hall l’entendait – et même l’écoutait. « Quelle coïncidence, je venais rapporter à Velen les progrès de la Lumière en Outreterre – et ma modeste participation dans cette entreprise, ajouta-t-il d’un air fat. Et je te trouve, mon bon camarade ! Nous qui avons étudié ensemble ! Enfin, pas très longtemps en fait », appuya-t-il avec un petit rire grinçant.
Quelques personnes pouffèrent dans l’assistance.
« Tu viens toi aussi lui raconter tes exploits ? Laisse-moi deviner, tu as achevé avec succès ta grande campagne de dératisation du Tram des Profondeurs ? »
Il rit à gorge déployée. Beaucoup sourirent de la pique du paladin.
« Allons allons, dit-il, les larmes aux yeux d’avoir tant ri, ne le prends pas mal mon frère, une petite taquinerie bon enfant, rien que de très affectueux ! Allons trouver Velen ensemble ! »
Il lui passa un bras autour des épaules et joignit son pas au sien, tout en prenant bien soin de s’appesantir sur le guerrier. Mais le dos de Stropovitch ne fléchit pas d’un iota.
« Il va être bien content de nous voir, j’en suis sûr. C’est qu’il aime tous les ressortissants de son peuple, lui, quoi qu’ils fassent, quels qu’ils soient, hmm ? Quelle bonté inégalable, n’est-ce pas, à laquelle nous ne pouvons qu’aspirer ! »
Il se pencha l’air goguenard pour capter une expression sur le visage de Stropovitch, lequel demeurait fermé, les mâchoires serrées.
Un jour, je te tuerai, Darotân. J’en ai fait le serment ; et ce jour-là, j’en ai pris l’Univers à témoin.
Escorté d’une demi-douzaine de gardes, Velen apparut. C’était le moment tant redouté par Stropovitch : seul Velen pouvait savoir ce qu’il avait fait. Seul Velen pouvait savoir pourquoi le guerrier s’était exilé de lui-même après le crash, sans regarder en arrière. Seul Velen pouvait l’accuser devant l’ensemble des siens, qui de toute façon ne l’appréciaient guère, et le faire exécuter avec l’approbation générale.
Les deux visiteurs mirent genou à terre.
« Je vous salue, ô grand Prophète, déclama Darotân.
— Stropovitch… » répondit Velen sans un regard pour le paladin.
Son air était inquiet. S’il pouvait deviner la raison de la venue du paladin, la visite du guerrier n’augurait rien de bon.
Stropovitch défaillit, mais se reprit. À peine pouvait-on penser qu’il s’était penché avec l’expression d’un profond respect.
Velen se tourna enfin vers le paladin, lequel restait interdit d’avoir été quelques secondes invisible.
« Et vous, commandant Darotân… »
Le Prophète hocha la tête pour les saluer.
« Commandant, auriez-vous l’obligeance de me laisser d’abord seul avec Stropovitch ? Je vous recevrai avec plaisir plus tard dans la journée.
— Merci de me faire cet honneur, ô grand Prophète », répondit avec dépit Darotân, qui se releva et s’en retourna.
Velen et Stropovitch, silencieux, traversèrent le couloir et allèrent s’asseoir au centre de la salle du fond. Comme il y a dix ans.
Quelques secondes plus tard, la plume, l’encrier et un parchemin vierge vinrent orner la table.
Velen scrutait le visage de Stropovitch pour lire en lui. Je ne comprendrai jamais cette sollicitude grand Prophète. Je ne la mérite pas. Vous êtes trop bon – infiniment. J’ai besoin de votre aide, mais pourquoi me feriez-vous l’honneur de me l’accorder ? Pouvez-vous seulement m’aider maintenant que j’ai failli succomber au démon ? Si vous n’avez pas pu me purifier quand j’étais enfant, comment pourriez-vous y parvenir maintenant ?
La voix résonna. Stropovitch ferma les yeux pour mieux écouter son corps vibrer à chaque syllabe.
« Stropovitch, je me suis beaucoup inquiété pour toi… Si tu es revenu… c’est qu’il s’est manifesté… »
Le guerrier hocha la tête avec fatalisme.
« Je veux connaître chaque détail. »
Stropovitch lui tendit une dizaine de feuilles déjà rédigées. Velen les lut avec grande attention. Puis il les posa sur la table et mit ses yeux dans ceux de Stropovitch.
« Très bien, faisons le point ensemble. »
Il y eut un bref silence où il rassembla ses pensées.
« Quand nous t’avons recueilli à Zangarra, tes parents étaient morts ; et même si une sentinelle a vu ton père s’effondrer au moment de l’attaque, personne n’a pu témoigner de ce qui t’était arrivé à toi, tu étais hors de vue. Au vu de tes symptômes tu semblais être devenu l’hôte d’un démon, mais en usant de la Lumière je ne l’ai pas détecté. En usant de formules de purification je ne l’ai pas délogé, comme s’il n’avait aucun lien avec l’Ombre – or tous les démons ont un lien avec l’Ombre. Londan et moi avons donc parlé de « feu » en attendant de nouveaux éléments. Une fois ranimé et remis sur pied, tu as pu nous raconter ce qui s’était passé, et ton récit a accrédité la piste du démon. Mais certains membres du Conseil rappelaient que c’était là le témoignage d’un enfant traumatisé et qui sortait d’une longue inconscience », ajouta-t-il avec un regard conciliant.
Malgré la grande confusion qui régnait dans son esprit, Stropovitch écrivit : « J’ai entendu des démonistes ces dernières années, j’ai reconnu leurs accents qui griffent les âmes. Même si je ne peux en transcrire aucun mot, je vous assure que ce jour-là mon agresseur a bien lancé à mon encontre une incantation en langue démonique. »
Velen hocha la tête. « Bien, soit. Depuis le début ce démon veut donc s’approprier ton corps, il guette, tapi quelque part, mais où ? Il y a plusieurs plans de réalité en dehors mais aussi au-dedans de nous-mêmes. A-t-il la capacité de changer de plan à volonté ? »
Je vous en prie, délivrez-moi.
Velen soupira. « Quelle que soit la solution de l’énigme, ton ennemi est en toi, Stropovitch. Peut-être même n’est-il encore qu’en gestation ; peut-être grandit-il et se renforce-t-il avec les années, jusqu’à sa naissance programmée. Dans tous les cas, si un jour il brise la barrière de ta volonté, ce sera ta fin. »
Le guerrier se prit la tête dans les mains. Rien de tout cela n’était nouveau, c’était toujours la même impasse ; mais se heurter sans cesse à cette même fatalité entretenait et aggravait sa souffrance psychique chronique.
Velen alla prendre un imposant ouvrage à la couverture surchargée de gemmes et de dorures. Il le feuilleta.
« J’ai toujours pensé que cet orc, s’il existait, n’était pas n’importe quel démoniste. Il cherchait probablement un hôte pour un puissant démon. C’est un procédé somme toute inhabituellement long et retors pour créer un soldat de la Légion. »
Et ce démon n’est pas n’importe quel démon non plus…
« La Légion a peut-être expérimenté une nouvelle forme de création de démons… Comme en plus tu es le seul cas de ce genre à ma connaissance, ce démon doit être le fruit unique d’une expérience exceptionnelle. Je ne prends pas trop de risques en imaginant que ce démon qui grandit en toi est destiné à être l’un des fleurons de l’armée de Sargeras. »
Velen reposa le livre et planta de nouveau ses yeux dans ceux de Stropovitch.
« Ou alors il n’y est pas destiné… il était déjà un des fleurons de son armée, vaincu, et ils essaient de le ramener en lui offrant un nouveau corps. Nouveau ou ancien seigneur démon ? Et pourquoi choisir le corps d’un enfant draeneï pour cela ? Je l’ignore, bien que j’y aie tant songé… »
Aaaaaah, cette main qui tremble, ces larmes indignes qui coulent sur le parchemin ! Stropovitch tendit au Prophète un amalgame de signes mal tracés sur une feuille froissée par la fébrilité de ses mouvements. Le guerrier contenait ses émotions partout, sauf en présence du Prophète. Comme s’il savait, inconsciemment, que le démon ne se manifesterait jamais en présence de Velen.
Le sage lut et s’assit. Il baissa les yeux et garda le silence quelques instants.
Répondez ! Dites quelque chose ! Après le crash, après Van Cleef, peut-on encore me laisser en liberté ?
Velen releva la tête et regarda Stropovitch avec tristesse et compassion.
« Mon enfant, je regrette tant… Si tu avais causé des dégâts pendant ton enfance, je me serais impliqué corps et âme dans ta guérison. Mais entre ton réveil et… le crash du vaisseau… »
Un silence endeuillé interrompit cette phrase.
« … entre ces deux moments il n’y a eu aucune alerte. Le Conseil estimait même probable que pendant ton coma ton déchaînement de puissance avait été causé par un ensorcellement temporaire, une malédiction éphémère. Aujourd’hui encore, personne ne sait pourquoi tu es parti, Stropovitch, hormis moi-même. J’ai lu dans ton âme, ce jour-là… »
Je me souviens de votre regard, Prophète. Nos yeux se sont croisés, je me suis retourné, et j’ai fui. Fui jusqu’à aujourd’hui.
« Stropovitch, j’ignorais totalement où tu étais… Tu es pourtant le seul qui puisse répondre à une question qui me taraude depuis deux ans. »
Le guerrier releva enfin son visage sillonné de larmes.
« Darotân… a-t-il menti ? Mérite-t-il notre confiance ? »
Stropovitch fut abasourdi par cette question. Si Velen la lui posait, c’était parce qu’il se fiait plus à lui, le paria muet, le meurtrier exilé, qu’au champion des draeneï. Tant d’honneur, tant de considération lui donnait le vertige. Il écrivit, hésita, réduisit la feuille en boule, recommença, ratura, réfléchit, puis conclut. Le Guide fut patient, puis reçut la réponse du guerrier avec un air grave.
« Grand Prophète, Darotân n’a pas menti. Il était sûr d’avoir bien agi. »
Si je lui dis toute la vérité, il s’occupera lui-même de mettre fin à la carrière de Darotân. Il refusera de me laisser faire. Or c’est MA vengeance. Je dois empêcher Velen de se mettre entre ma proie et moi.
« La vengeance n’est pas un but très noble, Stropovitch. »
Le guerrier eut un sursaut et fixa Velen avec sidération. Ce dernier se releva et déclara avec solennité :
« Je voulais une réponse à ma question, et je l’ai obtenue, je t’en remercie ; mais désormais je réponds à la tienne. Peut-on te laisser libre ? Non, Stropovitch. Pour toi le chemin s’arrête ici, mon enfant. Nous ne pouvons prendre davantage de risques, après tant d’erreurs, de faux espoirs et de drames. Fais-moi confiance, moi qui t’ai toujours chéri et aimé. »
Il prit les mains du guerrier dans les siennes.
« La chute de l’Exodar a confirmé qu’un démon de premier ordre résidait en toi, et qu’il voulait briser ses chaînes. Après deux ans de fuite, tu t’es enfin remis à mon jugement. »
Il ferma les yeux une seconde pour s’assurer de sa connexion avec la Lumière au moment d’énoncer la sentence.
« Tel est donc mon jugement : il va falloir mourir, Stropovitch ! Pour tuer l’ennemi avant sa naissance. »
Mourir… Le draeneï ne réagit pas, le regard dans le vague, comme soudain décroché des choses. Même son envie de vengeance s’était soudain suspendue. Le Prophète lui avait-il jeté un sort ?
« Mourir debout, Stropovitch ! dit Velen avec une divine fermeté. Tu es noble, tu es fier, tu es draeneï ! Qu’importe tout ce qu’ont pu dire tes frères jusqu’à présent ! Aujourd’hui prouve que tu es un héros, deviens un symbole de la valeur de ta race ! Debout ! »
Le guerrier se leva lentement, toujours sous le choc. Mourir. Mourir pour ne pas risquer que soient engloutis dans le feu du démon terres et peuples. Mourir après onze ans volés, que l’on ne m’aurait pas accordés si l’on en avait prévu les conséquences. Après tout ce que j’ai vécu, réaliser qu’il aurait mieux valu… n’avoir jamais existé.
Le regard de Stropovitch sortit des brumes qui l’enveloppaient et rencontra celui de Velen.
Une grande émotion envahit les deux draeneï. Le Prophète posa une main sur le front de Stropovitch. Ils se regardèrent dans les yeux pendant l’incantation. Le visage du guerrier exprima finalement une espèce de soulagement quand la colonne de flammes sacrées s’abattit sur lui.