Phorenice – Grâce brisée de Quel'Thalas (chapitre 1 version finale)

Introduction:

Phorenice évoluait parmi l’élite de Quel’Thalas avec la grâce froide d’une épée effilée glissant sur de l’étoffe.
À peine sortie de l’adolescence éternelle des siens, elle avait déjà appris à masquer le vide sous des sourires polis.

Ses révérences étaient des soupirs chorégraphiés dans les salons ornés d’arcanes scintillants.
Elle conversait doucement, ses rires retenus dérivant comme une brise captive sous les plafonds enchantés,
tandis que ses doigts dessinaient des sigils avec la précision d’un bijoutier.

Dans ses pas, la magie dansait, pure ornementation dans le tableau figé d’une éternelle valse.
Les enchantements flottaient autour d’elle, décoratifs et inoffensifs, simples spectacles dans la sarabande léthargique des nobles.

On la croisait souvent, flottant dans une robe aussi fugace qu’un songe, aussi somptueuse qu’un crime,
devisant paresseusement sur les propriétés d’un sort ou le dernier duel verbal entre archimages déchus.

Pendant près d’un siècle, elle vécut ainsi, suspendue dans l’or et l’illusion.
Elle savait feindre la passion pour une école de magie, la curiosité pour un artefact ancien, le respect pour un pair.

Mais ses journées, longues et somptueuses, fondaient toutes dans une même brume douceâtre,
comme si rien ne méritait réellement d’exister en dehors de l’éternelle opulence qu’était sa vie… Elle ne croyait ni à la douleur ni à la fin.

Puis l’an 20, la bulle éclate, la plaie s’ouvre.

Au guet de Quel’Thilien, l’air lui sembla plus dense, plus lourd que d’habitude,
comme si les montagnes elles-mêmes retenaient leur souffle.

Le vent ne portait plus les cris d’aigles ni les murmures de la cime,
seulement un silence épais, sans réponse.

Les rumeurs, elle les avait balayées d’un geste — encore des paysans en proie à leurs superstitions.
Une malédiction au nord, disaient-ils.
Des morts qui refusaient de le rester.

Du haut des remparts, elle vit l’horizon noircir. Ce n’était ni une nuée, ni un orage. C’était la fin d’un monde — Une marée lente, méthodique, implacable,

une masse innombrable s’approchait.
Et soudain, la terre vibra sous le poids de leurs pas.

Arthas.
Elle ne l’avait jamais vu, mais elle le reconnut comme l’arbre reconnaît la hache.
La lumière et l’espérance fuyaient son regard.

Quelque chose se brisa et elle connut la douleur.

Elle leva les bras, la gorge sèche, et le mana répondit par réflexe.
Les glyphes s’activèrent, les sigils brillèrent.
Elle érigea des barrières, des remparts d’énergie cristalline.

Les morts les percutèrent dans un fracas de membres brisés et d’os éclatés.
Le choc fit trembler les pierres et elle connut aussi la fin.

Ses mains tremblaient.
Elle découvrit que la magie vacillait sous la peur.

Les assauts se succédèrent.
Les cadavres revenaient, inlassablement — la mort ne faisait que se replier avant de déferler à nouveau dans une vague putride.

Chaque impact contre la fortification grignotait ses forces.
Chaque hurlement d’un garde tombé l’habillait de désespoir,
chaque supplication un rappel de sa futilité.

Brusquement, elle sentit le lien sacré se déchirer en elle,
le flux radieux du Puits Solaire qui s’éteignit comme une flamme soufflée.

Un vide insatiable dévora sa magie.
Le froid s’insinua dans ses veines, lent, méthodique,
comme s’il explorait chaque recoin de son être avant de tout figer.

Elle hurla sans un son.

Quand enfin les morts cessèrent d’arriver, elle descendit.

Elle marcha à travers les forêts dévastées,
sa robe autrefois opulente réduite à un haillon de sang et de crasse.

Quel’Thalas n’était plus.
Les flèches d’argent, les ponts flottants, les grands halls où flottaient d’innombrables cristaux —
tout n’était plus que cendres et ruines, des tours brisées comme des mâchoires fracassées.

Les survivants, êtres hagards aux yeux vides, aux gestes lents,
erraient entre les restes fumants de leur monde sous un ciel d’une lumière blafarde.

Elle chercha, elle appela, elle cria.
Rien.
Pas un visage, pas une voix, pas une note.

Aucune trace de la vie qui fut la sienne,seulement le silence.

Sa lignée avait disparu comme un nom effacé à la craie sous la pluie.

Et la faim…
Une faim nouvelle.
Elle ne venait pas du ventre mais de l’essence même de l’être.
Une dépendance nue, primitive, animale.

Et alors… il vint.

Kael’thas.
Le dernier éclat d’un monde brisé.
Il n’avait rien d’un roi, ce jour-là.
Le regard cerné, le pas lourd, mais droit.

Il n’offrit pas de réconfort.
Il offrit un but.

Elle saisit cette promesse comme une naufragée agrippe la corde,
comme un éclat brisé saisit la chance d’être une lame.

Elle ne maniait ni lame ni cri.
Elle tissait les flux arcanes à distance, érigeait des bastions de mana et des sphères de déflexion.

Ses gestes dessinaient dans l’air des géométries de lumière, des scellés mouvants contre le chaos.
Elle contenait l’effondrement, suspendait l’inévitable.
Elle tenait, pendant que d’autres déchaînaient le feu.

Phorenice est seule.
Par la fenêtre entrouverte, l’aube s’immisce, les premiers rayons de l’astre solaire rejettent la nuit, baignant la pièce d’une lumière douce, presque irréelle.
La ville s’éveille lentement, le murmure des marchands et les bruits réguliers des sentinelles se mêlent aux éclats de rire des enfants jouant, conquérants des fontaines de Lune d’Argent.
Phorenice est seule, suspendue à un abîme silencieux.
Son regard, rivé sur le parchemin ancien, cherche à saisir ce que les mots refusent de révéler — rêves fuyant le dormeur, grains de sable glissant entre ses doigts.
Une bougie solitaire vacille, sa flamme oscillant entre ténacité et résignation.
Les ombres tremblantes s’étirent en arabesques torturées, lumière chancelante luttant de ses dernières forces contre l’entropie.

Les tours élancées de Lune-d’Argent, jadis promesses d’éternité, à présent des arbres blessés qui tremblent au souvenir de la tempête.
Comme toujours, l’opulence survit. Les dallages de marbre rouge et blanc résonnent sous les pas feutrés des nobles vêtus d’or.
Leurs visages sont des masques craquelés, d’acteurs fatigués jouant sans y croire une pièce démodée.

Quand Kael’thas annonça le départ pour l’Outreterre, elle ne regarda pas derrière elle.

Elle rejoignit les Solfurie — non pas une armée, mais une volonté faite chair.

Dans le Nétherstorm, elle devint lame et voile, éclair et silence.
Ses sorts perçaient les défenses du Kirin Tor.
Pas avec haine, mais avec certitude.

Affectée à la garde d’une mana-forge, elle dormait à côté du cœur même de l’énergie brute,
chaque pulsation du dieu machine, un oracle de tous les possibles, une réponse aux prières et aux doutes.

Et quand vint l’heure du choix, elle suivit Kael’thas une dernière fois,
non par loyauté aveugle, mais par refus du retour.
Elle ne voulait plus des chaînes anciennes.
Elle plongea dans la fel magie, non comme une esclave,
mais comme une survivante qui choisit son poison.

Elle devint mage de sang.
Et dans cette dévotion ardente, il n’y avait plus d’oubli.
Il y avait une renaissance.

*modification du nom, malheureusement Johnny Silverhand était déjà pris.
** ajout passage introspectif

Chapitre 1:

Sous un ciel d’offrande meurtri, dans une vaste plaine battue par les vents du Vide, au sommet d’une terrasse de grès noir, rejetée des cartes et des vivants, un sanctuaire primordial à demi enseveli s’ouvrait, béant, comme une plaie ancienne. Les échos d’une blessure que les éons ne pouvaient cicatriser murmuraient entre les monolithes décharnés des ruines de Kar’Ashan.

Trois silhouettes solitaires surgirent de la poussière du désert, pantins précipités vers l’épicentre, lames de l’engrenage du destin.

Entre les colonnes brisées — sous les cris silencieux d’une Acropole grotesque que l’érosion avait rendue arène — entrailles aux mille formes — dans l’abîme, un dais d’obsidienne battait encore d’une pulsation antédiluvienne, chuchotant aux ténèbres suppliciées. Phorenice fut la première à descendre les marches fendues de cette cathédrale atavique vouée à la démence.

Son armure capturait l’éclat du crépuscule — dorures mates, gravures élégantes, plaques effilées mélangeant beauté et menace. Sa chevelure, d’un ocre de soleil mourant, ondulait lentement, comme animée par une chaleur intérieure. Ses yeux, or liquide, transperçaient l’espace avec cette intensité propre aux survivants — aux damnés.

Sous les ogives mégalithiques, un escalier monumental profanait l’obscurité minérale — porte dédalique, Styx dantesque. De part et d’autre, on devinait des sculptures de grès écrasantes — créatures tordues, honteuses, terrifiées. Chaque strate, noire, lisse, taillée dans un matériau qui buvait la lumière. L’air était dense, muet — respiration suspendue du dormeur. Le cheminement se fit procession : ses bottes résonnaient d’un glas étouffé.

Des fresques sacrilèges s’offraient, perverses — peaux, viscères, membres emmêlés — arabesques monstrueuses.

Le cortège solitaire n’avait plus de fin. Chaque pas — un renoncement,

une perte.Une nausée sourde lui serra la gorge. Pulsation des tempes — nageuse happée par la fosse, entraînée sous les récifs.

Elle cligna des yeux. Une seconde, elle crut voir… Une odeur familière, souvenir ancien — douceâtre, une note…

Un chuchotement — Phorenice… Une voix claire. Enfantine. Innocente. Sa voix — celle d’avant.

— Tu te souviens ? Les symphonies… les pirouettes… la soie… les éclats de rire… Les jours, les nuits… farandole sans fin, sans poids… sans douleur.

Elle s’arrêta. Teint pâle. Membres tremblants. Seule dans les profondeurs, bougie vacillante, luttant vainement contre l’inexorable entropie.

— Non.

La même voix. Mais plus aiguisée. Acide. Brisée. Haineuse. — Menteuse !

Puis, soudain, de nouveau douce. Presque caressante. — Tu avais des amis… autrefois. Tu nous manques. Tu croyais aux promesses. Tu étais belle. Solaire. Entière.

Un ricanement glacé coupa net : — Et regarde-toi maintenant. Petite chose insignifiante. Jouet brisé. Mausolée stérile.

Elle tressaillit. Un essoufflement qui n’était pas celui du corps. Chaque degré s’étirait dans une délectation malsaine.

— Pourquoi fuis-tu ? Repose-toi. Pose ce fardeau. C’est assez. Stop. Tu as fait ta part. Personne ne jugera. Personne ne condamnera.

Ses ongles perçaient ses paumes.

(Avertissement : cette partie du texte traite de thématiques liées au suicide.)

— Tu crois être investie d’une mission… mais regarde-toi. Pathétique. Faible. Une fuite en avant d’un orgueil d’enfant gâté. Un suicide qui se donne en spectacle, une victime qui se fantasme héroïne.

Elle se mordit l’intérieur de la joue — goût métallique du sang.

Les icônes murales, dans une langoureuse délectation, avilissaient des esquisses familières.

— Tais-toi…

Deux voix rirent. À l’unisson.

À mesure d’une glissade inexorable dans l’indicible, les lignes devenaient plus instables, plus fractales — des formes que l’esprit refusait d’identifier. Des silhouettes chimériques, indistinctes, aberrantes, rôdaient au bord de la conscience — théâtre toujours mouvant, souvenirs d’une géométrie oubliée. La noirceur n’était plus absence de lumière, mais entité ; le silence n’était plus un étouffement, mais un psaume — un capharnaüm. La chute prit fin — thalamus sans plafond ni sol — basilique impie parcourue de veines suintantes, battant à l’unisson. Les formes y mutaient entre deux regards. En son centre, un autel profane rêvait.

Elle leva le bras, main ouverte, paume vers l’avant. L’air lui-même vibra sous l’écume incandescente d’une magie prête à rompre ses chaînes. Elle sourit sans joie. Le monde semblait suspendu. Elle était la flamme, la douleur et la fin.

Un grognement bestial résonna au loin, sous les rictus exaltés des statues broyées, figées dans l’attente.

Zoravitch émergea des mâchoires béantes d’une arcade fracturée. Les dalles noires, réticentes, anathèmes brisés sous ses pas. Golem silencieux, de sang et d’acier. Sa peau écarlate, parchemin tragique gravé des médailles des chairs déchirées. Ses yeux, gouffres — de rage froide, de furie disciplinée. Il fixa sa cible. Le man’ari bondit — pulsion granitique, avalanche d’une demi-tonne de tôle, de tendons et d’os, réfutant la gravité. Nuée ardente, brisant colonnes et monolithes.

Sous les voûtes cyclopéennes d’une ziggourat abyssale — endormie, connue seule des parchemins nephilimiques, deux ombres tissaient un ballet terrible — dans les chairs éclatées de l’onyx martyr — les éclats épiaient la scène d’un regard vorace, patient. Une pause. Un battement. Une nova de flammes hurla — son terrible chant du cygne. Dans l’incandescence agonisante, un projectile à forme humanoïde fractura un obélisque. Zoravitch se releva dans un éboulement grésillant, fumant — sa peau siffla contre l’armure devenue braise. Il se frotta la bouche du revers du poignet, sans lâcher la pyromane du regard. Il cracha avec dédain, sang et suie.

Statues, fracturées mais debout.
L’irrésistible contre l’inamovible.

Il fit craquer sa nuque dans un geste lent.
Se pencha. Ramassa glaive et pavois.
Le regard toujours fixé sur l’elfe.
Les lanières de cuir gémirent dans ses poings.

Phorenice n’attendit pas.
Des sphères de flammes jaillirent autour de son corps, une à une, dans des claquements rageurs.
Sa main s’allongea — bras tendu, paume ouverte — puis se referma brutalement, ne gardant qu’un doigt pointé vers lui.

Six projectiles fendirent l’air — promesses de conflagration, déchirant le silence.
Lucioles aveuglantes, filant entre les ruines à la recherche d’une proie.

Le premier projectile fendit l’air avec un cri aigu, presque organique.
Zoravitch ne recula pas.
Il avançait.

Un pas. Une esquive. Suffisant pour laisser la mort passer.
La chaleur lui mordit la joue.

Le second arriva dans son sillage.
Il leva le pavois, l’inclina —
impact.
Sourd, brutal. Un hurlement métallique.
L’acier gémit. Le souffle ricocha haut sous les voûtes.
Ses tympans saignèrent.
Les gravats rougeoyants pleuvaient autour de lui.

Déjà, il tournait.
Le torse vrilla, les hanches entraînèrent la lame.
Le troisième projectile fonçait — direct, rapide, meurtrier.
Il trancha.
Masse ardente scindée net.
La lame protesta.
Les deux moitiés dévièrent, sifflèrent de rage,
allèrent frapper au loin dans un rugissement magmatique.

Mais le bouclier était fendu.
La partie haute arrachée.
La chaleur l’avait fait craqueler.
Des gouttes d’acier en fusion perlaient.

Le quatrième surgit.
Trop près. Trop vite.
Il n’eut pas le temps.
Il s’abaissa, replia les épaules. Se recroquevilla derrière le pavois —
à la fois prière et métal hurlant.

Explosion.
Une gerbe de flammes dévora l’espace — aveuglante.

Et pourtant. Il avançait. Il accélérait.
Le bouclier n’existait plus — pulvérisé.
Son bras gauche, hors d’usage — sanglant — tremblait sous les spasmes.
L’armure craquait. Fumait. Se disloquait.

Mais il ne vacillait pas.
Il courait.
Ses sabots creusaient dans une colonne monumentale — écroulée, devenue passerelle délabrée.
Les muscles se contractaient. Une respiration. Il grimpait.

Alors les deux derniers projectiles frappèrent.
Inéluctables comme des souvenirs.

Double explosion.
Une gerbe assourdissante de pierres, de suie et de flammes engouffra les ruines.

Zoravitch jaillit, ange déchu, hors des cendres incandescentes,
brasier silencieux en chute libre.
La gravité le trahit — il en fit une arme.

Deux poings crispés — prise inversée — lame vers le cœur.
Plus d’obstacles. Plus de flammes.
Seulement une proie.

Son regard captura son reflet.
Elle ne reculait pas. Ne paniquait pas. Ne tremblait pas.
Ses bras se tendirent, ses mains s’ouvrirent, ses doigts s’écartèrent.

Une forteresse s’éleva — cristaux incandescents, flammes solides.

La lame descendit.
Lente, inexorable, inévitable.
Le glaive pénétra, plus plasma que matière.

Le bouclier siffla, vibra, hurla…
Des fractures lumineuses dessinèrent des arabesques.
Lumière.
Onde de choc.
Fureur et silence.

Phorenice était au sol.
De son bras droit ruisselait un liquide vermeil.

— Si elle est la flamme, il est la cendre.

Enfouie, loin de la surface, dans un lieu de perdition et de renaissance, une pyramide d’onyx noir s’éveillait.

Dans les narthex sans fin, les chambres funéraires, les nympheums souterrains —
le souvenir d’un pacte.

Des yeux épiaient.
Des bouches salivantes.
Des intelligences désiraient.

Un rythme ancien battait faiblement dans la pierre.

À la lueur mourante des braises, sous les regards antiques, deux êtres se faisaient face.

L’un avançait, arme au poing ; l’autre, au sol.

Un frisson. L’air vibre. Le réel hésite.

Phorenice s’élève — ses pieds quittent le sol — elle flotte — suspendue dans une cascade étincelante.

Cœur d’un cyclone incarnat — vision onirique et terrible.

L’onyx brûle, l’os fond, l’ozone geint.

Ce n’est plus une Flamme.
Elle saisit. Elle pèse. Elle respire.

Elle s’infiltre partout. Coule entre les crevasses, s’agrippe aux colonnes, traumatise l’atmosphère.

Une respiration, un battement, tout se fige.
La mer de lave reflue, la radiance cède à l’obscurité, le souffle est aspiré,
vers le noyau, vers la source, vers elle.

Elle le regarde et prononce un seul mot,

« brûle ».

Pas une menace ni une condamnation , un ultimatum à l’univers.

Alors six colonnes de flammes déchirent la réalité — Danseuses fauves — chorégraphie hurlante et transe létale.

Elle sait,
Ni échappatoires, ni tactiques, ni armures, ni muscles ne suffiront— dérisoires.

Il est un sacrifice aux convulsions futiles

Le grand final, le ballet atteint son paroxysme, les furies incendiaires convergent en une apothéose incandescente .
Une tornade cataclysmique.
Une annihilation.
Une fin.

Sous ses yeux,
il cesse d’exister.

Plus de 20 000 ans plus tôt :

Ils l’abandonnèrent sous un ciel vide, enchaîné à la pierre. Les cris des mourants résonnaient encore, longs, incessants — jusqu’à ce que leur extinction apporte enfin le seul soulagement possible.
Zoravitch ne supplia pas — non par orgueil, mais parce qu’il ne restait plus personne pour entendre.
L’honneur ? Il était mort sous le bruit des bottes de ses anciens frères d’armes et de leurs fuites, Krešimir le premier.
Il se souvenait de la douleur. Mais plus encore du silence. Le silence où les serments s’étaient soumis.
Ce jour-là, ils avaient fait leur choix. Lui aussi.
Ils avaient suivi Sargeras. Il avait dit non. Pas pour espérer. Pas pour croire. Juste parce qu’il refusait de devenir ça.
Cela faisait-il une différence ? C’était là la question qui le hantait, qui l’écrasait, qui le regardait.
Cela faisait-il une différence ?
Les tortures. Les coups. Les humiliations. Le corps souillé à jamais.
Il se revoyait, fier, dans sa jolie petite armure de cristal, debout aux côtés de Krešimir, sur les plaines d’Argus, jurant de tenir la ligne.
Les Lames d’Argus… quelle blague ridicule, quelle vantardise pathétique.
Quand les corps étaient brisés, quand le sang coagulé remplaçait l’acier, quand les êtres aimés étaient une cendre collant à la peau… cela faisait-il une différence ?
Quand la chair était une torture et que les supplications remplaçaient les prières, quand les rires étaient devenus le bruit du vent dans les crânes, quand les larmes étaient épuisées… cela faisait-il une différence ?

Brisé, vaincu peut-être, mais debout.
Il apprit à endurer. Chaque nom, gravé dans sa mémoire. Il ne pardonna pas. Il n’oublia pas.

Maintenant:

Son bras gauche, brûlé, engourdi, trop lent pour frapper, inutile et sacrifiable. Tout se jouerait sur le droit — le bras qui frappe, celui qui tranche, celui qui décide. Autour de lui, les six colonnes de feu tournaient, tremblaient, hurlaient comme des bêtes affamées. Il les fixa. Prit sa décision. Pas d’autre choix possible. Une colonne valait mieux que six. Il chargea. Quand le choc arriva, ce fut le bras gauche qui encaissa, replié, offert. Un bouclier de chair. Son monde devint agonie. Une vieille amie. Le souffle bloqué. L’odeur de chair calcinée — écœurante, mais familière. Il réapparut. Debout. Encore là. Son torse n’était plus qu’une plaie striée de métal incrusté, de peau fendue, de chair noircie. Sa lame, brisée dans sa main droite, tison ardent. Chaque pas était un refus. Chaque brûlure, une négation. Chaque respiration, un grincement.

Voutée.
Le bras droit en sang serré contre son torse .
Phorenice le fixe.
Incrédule. Furieuse.
Et peut-être — pour la première fois — effrayée.

Sous les arches fendues, parmi les dalles fracturées et les braises évanescentes, une intrusion retentit — un applaudissement, net, sans origine visible.
Il se propagea dans les tréfonds, heurtant les piliers, ricochant sur les reliefs, amplifié par l’écho, répété, déformé, transformé.
Partout et nulle part, aucune source , aucun mouvement, une sidération pernicieuse.
Un rire féminin éclata : moqueur et charmeur, sinistre et séduisant, bestial et sophistiqué.

*version finale

Illustrations avec l’aide de chat gpt: vous les trouverez au nom de zoravitch sur deviantart.

  • le nom Zoravitch est en hommage de « Stropovitch, le Pèlerinage du Démon »
    de Jean-François Vivicorsi.

** texte avec illustrations" htt ps://ww w.deviantart.c om /zoravitch/art/1223141489" (enlever guillemets et espace)

***les retours sur le texte quels qu’ils soient sont les bienvenus.