Je sais pas quelle image tu as de moi, mais j’ai passé mes 16 premières années à Gennevilliers (92). Je suis revenu durant une année et demie à Sarcelles (93) il y a 3ans. Je connais les mécanismes d’exclusion, d’auto-exclusion, d’échecs, les politiques de ville (et ses dérivés comme certaines mécaniques de corruption, d’achat de paix sociale, de récupération de vote etc). Pareil pour la Bretagne où j’ai pu interagir en banlieue (renseigne-toi sur Pontanezen à Brest par exemple, ou Kermoysan à Quimper). Qu’importe les villes, les problématiques sont similaires, les trappes à pauvreté sont les mêmes, les injustices sociales aussi.
Je ne vis pas dans le passé. Mon rêve serait de pouvoir voyager dans le temps pour observer l’évolution humaine d’ici 1000 ans et plus (et éventuellement quelques dinosaures). Par contre, les mécanismes de construction mentale m’intéressent. C’est la clé de notre évolution organisationnelle et politique (dans le sens « politis »). Et tu trouve ça loin dans le passé.
(la suite m’a bien fait rire ! )
Il y aurait un long débat à faire sur ce type d’implication. Globalement, je soutiens que de nos jours, la charité repose sur deux principaux piliers : le Spectacle (style Les Enfoirés), et le « Catholicisme Zombie » (terme emprunté à Emmanuel Todd, et qui fait des valeurs religieuses, des principes éthérés et intériorisés. Je ne dis pas que c’est une mauvaise chose, mais il faut savoir d’où ça vient pour en identifier ses travers et ses limites).
D’autre part, je soutiens que ces associations ont encouragé malgré elles, le désengagement violent des structures étatiques.
Exemple caricatural pour illustrer : Y a une guerre, et c’est UNICEF, Action contre la Faim et la Croix Rouge qui vont pallier la catastrophe humaine et sanitaire. Et les États de se dédouaner en mettant en avant ce type de structure.
Et il y a cette constante sociologique de lutte contre la catégorie située juste en dessous de nous, et qui nous fait jusqu’à nier des phénomènes endémiques. Je parle surtout d’un climat et d’une tendance. On ne peut tout de même pas la nier.
Nous sommes humains, et nous nous sommes en partie affranchis des lois naturelles. Nous choisissons notre chemin évolutif, nos modèles de société (même si je suis modéré sur le concept de « liberté »). Nous guérissons les maladies, et nous pouvions à tout moment faire le choix de protéger les plus faibles. Dans cette Crise Sanitaire, ce n’est pas le choix qui a été fait, puisque l’économie semble dominer chaque prise de décision (ce terme « économie » est vraiment erroné et me gêne vraiment en fait). Parce qu’il y a une croyance forte, une approche dogmatique, et un prisme de vue biaisé par des notions aussi abstraites que « la main invisible », « l’équilibre par les marchés », « le ruissellement », « la start-up nation », « la concurrence libre et non faussé », « le capital », « le travail », « la dette » etc etc etc.
Et le prosélytisme étant omniprésent, il a fini par gangréner les (in)consciences et il semble normal d’accorder une valeur marchande à la Vie.
C’est notamment pour cette raison qu’on se fout des vieux et qu’on a renoncé à se démener pour eux : ils ne « produisent plus rien ». Alors quand les chiffres tombent, on penche la tête, on hausse les épaules et on se dit « ouais c’est triste ». Mais on oublie de se révolter.
On oublie de se révolter pour les pauvres, pour les chômeurs, pour tous ceux qui vont crever pour sauver ce modèle, « parce qu’il le faut bien », « parce qu’il y a un ordre aux choses », « parce que c’est la vie », « parce que la nature l’a décidé ». Sans jamais voir les implications subtiles d’un tel renoncement.
Whiplash, globalement d’accord. J’espère que ce pavé t’aidera à mieux comprendre mon point de vue.