Melissa Manson examine les questions d’essentialisme racial et d’ethnicité dans le jeu de rôle en ligne massivement multijoueur World of Warcraft (WoW). Elle explore comment Azeroth, le monde fantastique de WoW, reflète des éléments des sociétés basées sur la race dans le monde réel, où la culture est considérée comme immuablement liée à la race. La race joue un rôle primordial dans l’organisation sociale et politique d’Azeroth, déterminant les alliances, la langue, l’intellect, le tempérament, l’occupation, la force et l’aptitude technologique. La représentation culturelle des groupes raciaux dans WoW s’inspire d’images stéréotypées de groupes ethniques réels (par exemple, Amérindiens, Irlandais/Écossais, Asiatiques, Africains, etc.).
L’essentialisme, tel que défini dans cette étude, se réfère à la perception des groupes raciaux comme étant biologiquement discrets et exclusifs, où certaines caractéristiques physiques comme la couleur de la peau, la texture des cheveux, la forme des yeux et d’autres caractéristiques faciales deviennent des marqueurs du statut racial. Il soutient que les races sont naturellement inégales et doivent donc être hiérarchisées, l’inégalité étant fondamentale dans tous les systèmes raciaux. Cette perspective suppose que chaque race possède des comportements culturels distinctifs liés à leur biologie, que les caractéristiques physiques et les comportements sont innés et hérités, et que les différences entre les races sont donc profondes et immuables.
L’étude s’appuie sur près de 4 ans d’observations en jouant à WoW, couvrant le jeu de sa sortie initiale en novembre 2004 jusqu’en août 2008. Elle a exclu l’interaction entre les joueurs pour se concentrer sur les éléments de jeu liés à la race et aux sociétés basées sur la race, tels que la sélection de race, l’apparence physique, les attributs, les hiérarchies implicites, la culture, la langue, la technologie, l’architecture, la géographie et l’histoire. Un personnage de chaque race a été avancé au moins au niveau 25, ce qui a été jugé approprié pour établir la tradition de chaque race dans le jeu.
Les résultats montrent que WoW renforce la notion d’essentialisme en faisant de la race un déterminant clé de nombreux aspects du développement du personnage. Chaque race possède des caractéristiques physiques, des talents, une intelligence, un tempérament et une culture distincts. De plus, les représentations culturelles de chaque groupe racial dans WoW s’inspirent fortement de stéréotypes ethniques réels, ce qui suggère une base biologique pour le succès professionnel et les traits de personnalité au sein du jeu.
Cette analyse de la structure du jeu indique que WoW est une société basée sur la race, avec des groupes raciaux physiquement distincts et facilement identifiables, chacun ayant des comportements culturels distincts liés à leur biologie. Les hiérarchies raciales sont implicites dans le niveau de développement technologique, la construction des villes et les discours philosophiques des différentes sociétés, et ces différences sont vastes et immuables. Cependant, l’étude reconnaît que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour explorer comment les joueurs interagissent réellement avec l’environnement de jeu et s’ils défient activement les frontières racialistes préconçues.
Pour Melissa Monson, le système de race de World of Warcraft permettent de faire de tourisme identitaire, c’est-à-dire de s’approprier une identité raciale sans le risque associé a cette minorité (Nakamura, 2001) Jouer un Tauren, par exemple, équivaut à jouer un Amérindien, et jouer un Troll revient à jouer une version coloniale d’un Africain ou d’un Jamaïcain. Le jeu fait ainsi partir de l’idéologie dominante et contribue à maintenir des mythologies raciales
Monson, M. J. (2012). Race-Based Fantasy Realm: Essentialism in the World of Warcraft. Games and Culture, 7(1), 48-71. doi: 10.1177/1555412012440308.