Je suis en partie d’accord avec ce que tu dis, à l’exception de ça :
C’est bien Delaryn qui l’amène à brûler Teldrassil, pas Saurcroc. Saurcroc est responsable de cette décision car n’a pas su aller jusqu’au bout en épargnant Malfurion. Le plan était à la fois de s’emparer de Teldrassil ET tuer Malfurion pour briser l’espoir des elfes de la nuit, les deux étaient indissociables. Elle a dû trouver une autre solution pour compenser l’échec de Saurcroc, c’est la discussion avec Delaryn qui l’amène à corriger cette erreur.
Juste après être informée de l’échec de Saurcroc, elle décide d’envahir l’arbre tout en sachant que cette décision ne permettra pas d’atteindre son objectif. Ce passage nous explique assez bien quel est son état d’esprit et comment elle compte rebondir sur cet échec, à ce moment là la discussion avec Delaryn n’a pas eu lieu :
La prise de Darnassus bouleverserait les Kaldorei. Ils pleureraient leurs morts, craindraient pour les captifs et trembleraient en imaginant la Horde mettant leurs maisons à sac. Mais ils ne céderaient pas au désespoir. Plus maintenant. La survie miraculeuse de Malfurion leur donnerait espoir. Leur blessure guérirait.
Même en cette heure sombre, Élune veille toujours sur nous, diraient-ils.
Et n’auraient-ils pas raison ? Élune était bel et bien intervenue. Peut-être avait-elle même retenu le bras de Saurcroc. Et elle ne serait pas l’unique force autre que l’Alliance à se dresser entre Sylvanas et son véritable objectif.
La rage laissa place à une froide logique.
Elle savait que cela finirait par arriver. L’heure arrivait plus tôt que prévu, rien de plus.
La reine banshee se rendit au bord de l’eau d’un pas déterminé, ignorant les dernières escarmouches et les râles des infortunés Kaldorei qui n’avaient pu fuir Sombrivage. Elle étudia la silhouette de Teldrassil, qui s’élançait vers le ciel sous la lumière des lunes. Bientôt, les drapeaux de la Horde flotteraient dans ses branches.
« Sécurisez le rivage, ordonna Sylvanas. Préparez-vous à envahir l’arbre. »
Une blessure incurable. Elle devait trouver un autre moyen de l’infliger. Impossible de faire marche arrière, maintenant.
C’est juste après ça que Delaryn l’interpelle et où s’en suit une discussion qui va amener Sylvanas à rectifier le tir de Saurcroc :
« Pourquoi ? »
Au son de cette voix, Sylvanas se détourna de l’arbre. Elle provenait d’une Sentinelle blessée à mort, celle-là même que le chef de guerre avait abattue quelques minutes plus tôt. En proie à de sévères quintes de toux, elle n’en avait plus pour longtemps.
« Pourquoi ? Vous avez déjà remporté la victoire, articula l’Elfe de la nuit avec difficulté. L’arbre n’abrite plus que des innocents. »
Voilà qui était bon à savoir, si elle disait vrai.
Sylvanas s’agenouilla auprès de la mourante.
« Ainsi va la guerre », dit-elle.
Saurcroc et Nathanos planifiaient déjà l’aspect logistique de la prochaine étape du plan. Elle les laissa discuter. Devant elle gisait une Elfe qui donnait sa vie pour son peuple.
Sylvanas se reconnaissait quelque peu en elle.
Saurcroc donnait ses ordres à toute vitesse. Il répartit les équipes d’artilleurs sur la plage et s’assura qu’ils visaient bien Teldrassil. Nul doute que des éclaireurs surveillaient la Horde depuis le sommet de l’Arbre-Monde ; il tenait à ce qu’ils avertissent leurs supérieurs que l’ennemi pouvait faire feu à tout instant.
Il jeta un regard du côté de son chef de guerre. Sylvanas était accroupie auprès d’un commandant kaldorei à l’agonie. Un interrogatoire improvisé, supposa-t-il. Avec un peu de chance, elle en tirera des informations utiles.
« Brûlez-le. »
Les mots du chef de guerre firent complètement perdre à Saurcroc le fil de ses pensées. Il se tourna vers elle, l’air hébété.
Brûler… quoi ?
Nathanos semblait tout aussi perplexe. Ils échangèrent un regard. Sylvanas leur fit face, une rage ardente dans les yeux.
Elle aboya à nouveau son ordre, ignorant Saurcroc :
« Brûlez-le ! »
Cette décision surprend tout le monde et interroge Saurcroc :
« Pourquoi ? … Pourquoi ? » s’essoufflait le haut seigneur.
Il se tourna à nouveau vers Nathanos. Il n’avait jamais vu le Réprouvé écarquiller les yeux à ce point.
Sylvanas tournait le dos à Saurcroc et regardait l’incendie se propager. L’Orc essayait désespérément de comprendre les raisons de son ordre.
Cette Elfe lui a-t-elle révélé quelque chose avant de mourir ? Comptaient-ils résister ? L’Alliance est-elle sur le point d’arriver avec des renforts ?
« Il n’y a aucun honneur là-dedans ! » hurla Saurcroc à l’attention de Sylvanas.
Elle finit par se détourner de l’Arbre-Monde. Son regard était résolu, et il n’y avait plus une trace de colère sur son visage. Que restait-il à la place ? Du vide ? De la satisfaction ? Saurcroc n’aurait su interpréter son expression. Peut-être n’en avait-il jamais été capable, en réalité.
« Ils se retourneront tous contre nous ! tonna-t-il.
— Assurément. (Elle demeurait parfaitement calme, comme si tout allait pour le mieux.) Ils attaqueront Fossoyeuse en représailles. Vous devrez planifier nos défenses, organiser l’évacuation de mon peuple. »
Il avait du mal à trouver ses mots. Aiguillonné par une haine sans bornes, il finit par cracher une accusation :
« Vous venez de condamner la Horde sur mille générations. Vous nous avez tous maudits. Et à quelle fin ? Dans quel but ? »
Les traits du chef de guerre restèrent de marbre.
« Cette bataille était la vôtre. C’était votre stratégie. Et votre échec. L’objectif n’a jamais été de prendre Darnassus, mais bien de disloquer l’Alliance. L’arbre devait être notre arme pour anéantir leurs espoirs. Et vous, mon maître stratège, vous avez abandonné cet atout pour épargner la vie d’un adversaire que vous avez vous-même vaincu. J’ai repris l’avantage. Quand l’ennemi nous attaquera, leur assaut se fera dans la douleur et non dans la gloire. Ce sera peut-être là notre unique chance de victoire. »
Il voulait la tuer. Il brûlait d’envie d’invoquer le mak’gora et de verser son sang sous les yeux de la Horde comme de l’Alliance.
Mais elle avait raison.
Une blessure incurable. Tel était leur plan, depuis le début. Et Saurcroc avait échoué à l’infliger. L’histoire de la survie miraculeuse de Malfurion se serait propagée au sein des armées de l’Alliance, preuve à leurs yeux que leur cause était bénie.