Le journal du Crépuscule
J’aime bien Silithus. Sauf les tempêtes de sable, les créatures agressives et infectes à cuisiner, les adorateurs de cultes élémentaires qui ont implanté des campements un peu partout, sans parler de ces foutus insectes qui semblent grouiller autour du moindre cristal géant.
Bon, en fait, non, je n’aime pas trop Silithus.
Mais je dois reconnaître que, lorsque j’ai besoin de minerais de qualité, cette région n’a pas son pareil. Dommage que les endroits les plus intéressants soient aussi les plus mal famés.
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Un riche filon de thorium me nargue, à cinquante pieds d’ici, niché dans un coin de falaise, surplombant la Ruche’Zora. Je cherche du regard le meilleur moyen de l’atteindre, sans attirer l’attention des monstrueuses guêpes qui le voisinent.
Subitement, une voix susurre à mon oreille : « Dis, p’tit chou, tu pourrais nous aider ? »
Je sursaute de surprise, et manque de me cogner au visage de l’elfe au regard narquois, accroupi à deux pas de moi, qui sort subitement des ombres. Un peu en retrait, un de ses semblables, un guerrier accompli, si j’en juge par sa lourde armure de plaques et son bouclier cabossé, me fait signe, un sourire en coin.
Ils ont repéré une cible alléchante, mais craignent de ne pas faire le poids, et sollicitent des renforts pour réussir leur coup.
Un peu plus loin, dans le désert profond, ils ont traqué un prophète du Crépuscule, qui, au vu de son escorte, doit être un personnage très important. Sa mise à mort leur rapportera sans doute beaucoup d’honneur auprès du Cercle cénarien local.
Les termes du service sont vite conclus : à moi l’or et les étoffes runiques, à eux tout le reste.
Nous enfourchons nos montures, et je suis mes deux nouveaux compagnons de route, plein nord, esquivant de mon mieux les Cinglepierres et les Térébrants.
Nous arrivons rapidement en vue d’une patrouille imposante, que nous suivons à une bonne dune de distance, afin de ne pas attirer leur attention.
Une humaine de grande taille, aux cheveux gris, accoutrée comme une démoniste, est ceinte d’un singulier bandeau rouge vif lui masquant les yeux. Quatre paires de bras, orcs et morts-vivants, tous hérissés de maille et d’acier, la précèdent, une masse de bataille dans chaque main. Ceux-là ne doivent pas rigoler tous les jours.
https://drive.google.com/open?id=1eoKjolYr1Bc6ESEC2V8Hq_8uU3ls3XaX
Nous affinons notre plan d’attaque. Le voleur et moi nous approchons subrepticement du groupe, pour assommer simultanément deux des massiers, juste avant que le guerrier n’en charge un troisième. Étourdi par l’impact, celui-ci met quelques instants avant de réagir, tandis que son dernier acolyte se jette vivement sur l’intrus.
Le premier elfe s’approche sournoisement de la cible, et déchaîne ses dagues dans son dos, lui lacérant les muscles au niveau du bassin et de la nuque. Je me joins rapidement à lui, afin d’abattre le premier adversaire.
Pendant ce temps, la prophète n’est pas en reste, et prend part à l’affrontement, à notre étonnement. Ces fanatiques n’ont décidément peur de rien ! Le guerrier s’efforce de contenir leur attention, parant de son mieux les coups brutaux portés par les sectateurs du Crépuscule. Son bouclier manque de se briser à plusieurs reprises, et plusieurs coups mal ajustés lui infligent de sévères contusions.
De notre côté, nous accélérons autant que possible notre ballet de lames, afin d’en finir avec cette racaille enragée qui ne semble pas vouloir mourir facilement.
…
Le dernier corps se tétanise à son tour, après avoir gratté le sable de ses ongles brisés, dans une dernière convulsion. L’heure de la victoire sonne.
Les elfes se lancent des congratulations à n’en plus finir, et pansent leurs blessures, tandis que je me charge de la seule chose intéressante : fouiller les cadavres. La récolte est jubilatoire : huit étoffes runiques, une brassée de papiers codés, une potion de mana majeure, et près de quarante pièces d’argent. J’exulte !
Enjouée par le tour que prend l’aventure, je laisse volontiers la fiole de mana aux deux grandes perches. Peu d’efforts, grande richesse. Je tends au guerrier la pile de papiers froissés, aux symboles strictement indéchiffrables. Ces textes du crépuscule cryptés ne leur seront d’aucune utilité, j’imagine. Mais un contrat est un contrat. Leur visage ne laisse rien transparaître, mais ils doivent être terriblement déçus.
Après des salutations à la mode de chez eux, à coup d’Elune-je-sais-plus-quoi, les elfes me quittent. Ils n’ont même pas pris le temps de récupérer un morceau de la prophète ; main, tête ensanglantée, ou mèche de cheveux, afin de prouver son exécution aux druides. J’ai comme un doute…
Déterminée à tirer cela au clair, je recherche leurs traces, dans le sable, avant que le vent ne les fasse disparaître. La précipitation avec laquelle l’elfe a fourré les feuillets dans sa besace, comme un document précieux à ne pas laisser à l’air libre, ne cesse désormais de m’occuper l’esprit.
Ils ont filé droit à l’est. Le village maudit de Sudevent ? Non. Toujours plus à l’est. Je peine à retrouver leur piste, mais, bientôt, leurs tigres sont en vue, au repos, près d’une falaise à pic. Je m’approche doucement, jusqu’à découvrir l’entrée d’une caverne, cachée par les reliefs.
https://drive.google.com/open?id=1r3MkzqmXQ51ry_mpgqFEnwkc8moV101N
Peu après, je les vois en sortir, l’air gaillard, s’esclaffant à n’en plus finir. Je n’interviens pas et reste tapie dans un coin.
J’ai bien l’impression de m’être faite avoir… J’attendrai qu’ils soient partis pour aller résoudre cette énigme. C’est pire qu’une trahison. C’est un affront à mon sens élémentaire de la fourberie.