Un jour, un lieu, un souvenir...

Je me lis une petite anecdote par jour et je peux te dire que ça arrange pas mon impatience pour classic.

Continue, c’est vraiment super.

Bonjour Cricketto !
Merci pour tes encouragements, et désolé pour la réponse tardive (oui, je sors de ma grotte après 3 mois, et alors ?). Tu dois avoir déjà épuisé ton quota de patience, et je ne peux malheureusement plus garantir mon rythme d’écriture.

J’ai plusieurs chapitres sur le feu, mais trop peu de temps pour m’y atteler convenablement (en raison d’autres priorités IRL). Quoi qu’il en soit, je prendrai le temps qu’en publier quelques uns, jusqu’à la sortie de Classic.

Pour me faire pardonner, en voici un petit, très nostalgique…


Linken

On m’avait vendu le cratère d’Un’Goro comme un pays de cocagne. J’ai rarement été aussi déçue.

Dans ses lettres, Ravelle m’en parlait toujours avec une fébrilité confinant à l’hystérie. Nos amis communs m’avaient déjà fait part de son attitude intenable lorsqu’elle s’y rendait. Incapable de rester plus de deux minutes sur son bélier, elle sautait de selle pour se précipiter vers une jeune pousse de Pétale-de-sang, avant de bifurquer, l’instant d’après, vers un cristal de puissance à ramasser non loin. Lorsque ses comparses se désespéraient de la voir enfourcher sa monture, la voilà qui fonçait droit vers un tas de poussière d’Un’Goro pour en récolter l’humus, si ce n’était pas le chatoiement d’un pied de feuillerêve ou d’aveuglette qui attirait son attention. Impossible d’avancer rapidement en sa compagnie. Ce n’était que déviation effrénée d’une ressource à une autre, sans le moindre soucis du danger représenté par les dimeurtrodons et autres pterreurdactyles locaux.
Lorsque ses bagages étaient pleins à craquer, plutôt que d’en tirer de sages conclusions, elle poussait le vice jusqu’à demander aux membres de son groupe de transporter une partie de ses affaires, afin de pouvoir en récolter encore un peu plus !

Par conséquent, j’ai fini par m’y rendre à mon tour, tardivement, m’attendant à n’avoir qu’à me baisser pour empoigner ce qui ferait ma fortune prochaine. Quelle erreur…

Quittant les sables brûlants de Tanaris, je descend le chemin sinueux et raide menant à ma destination. La température descend à peine, mais l’humidité devient vite insupportable. Des nuées de moustiques se reproduisent à foison. Au fond de ce cirque, l’humidité est omniprésente, sous forme de lagunes boueuses, vestiges des dernières pluies torrentielles.

Après les moustiques, de féroces ravasaures esquissent ma deuxième mauvaise expérience locale.

https://drive.google.com/open?id=18KlD1cCgrf2Tgbj_9FXjjcpNZaziCI0B

Louchant avidement sur leurs nids, j’envisage sans retard une magnifique provision d’œufs. Hélas, ces foutus reptiles, aussi stupides qu’ils paraissent, ne sont pas moins dotés d’un odorat très affiné, et m’agressent avant même d’être à portée de larcin.

Dans ma fuite, des saletés de petits serpents de toute sorte manquent de me faire trébucher. Je parviens à peine à semer mes poursuivants au bord d’une mare stagnante.

Par temps de pluie, cette fondrière doit être littéralement immergée sous plusieurs coudées. Le sol détrempé a cependant absorbé une partie des intempéries, et des débris variés refont surface.

De l’autre côté de ce marigot d’occasion, une épave de barque très endommagée est entourée de caisses de fournitures. Je contourne l’étendue d’eau et fouille la coque en décomposition.

https://drive.google.com/open?id=1_ywGlk3QDY-uxXXHs9oWLagFegmhBO5w

Il n’y a rien de très reluisant dans le radeau. Mais je parviens à remonter du fond de l’étang un sac imprégné de vase. Le butin est plutôt maigre et énigmatique. Une grande boussole dont l’aiguille semble démagnétisée, une photographie ternie et délavée, soulevant en moi un étrange sentiment de nostalgie, un vieux masque de bois peint, une carte indéchiffrable, une petite clé à tête de lion… Le propriétaire me récompensera peut-être pour avoir retrouvé ses babioles. S’il est encore en vie !

On m’a vivement recommandé le havre de tranquillité relative du refuge des Marshal. En chemin, je ne croise cependant presque pas d’âme qui vive, digne d’une conversation sympathique. Un tauren solitaire perché sur son rocher, un dresseur de raptors blancs, dédaigneux et versatile, une vieille trollesse accompagnée d’un louveteau de compagnie, un gobelin déshydraté qui s’évanouit à tout bout de champ. Pas vraiment de quoi meubler une soirée de débat sur la résistance des gyrochronatomes ou le point de fusion du vrai-argent.

Arrivée au refuge, je finis par dénicher un petit bonhomme au regard terne, caché au creux d’une souche. Coiffé d’un capuchon vert sapin, et d’une veste élimée jusqu’à la trame, il semble avoir beaucoup voyagé. Autour de son cou, suspendu à un cordon de cuir, pend un vieil ocarina en terre cuite. S’agit-il d’un ménestrel égaré ?

https://drive.google.com/open?id=1KBDWgHr3VsVVs2_tnJM8aIpsNP2ur8Fh

Le pauvre garçon est visiblement déboussolé. Il a été recueilli ici après avoir mystérieusement perdu la mémoire. J’ai beau déballer sa menue quincaillerie sous ses yeux, quelques vagues souvenirs sont insuffisants à lui rappeler son identité. Si j’en juge par son écu d’acier usé, arborant un aigle de gueules surmonté d’un assemblage de triangles dorés, il a certainement survécu à plus d’un combat épique.

Une seule chose lui semble sûre. Si je présente son épée à une dénommée Donova Antreneige, au Berceau-de-l’Hiver, elle saura certainement l’aider.

Ce gars-là ne garantira certainement pas ma richesse. Mais il me fournit au moins une excellente excuse pour quitter cette région étouffante. Il y a vraiment des moments où j’en viendrais presque à préférer la neige…

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Les sources du bois de la Pénombre

Le bois de la Pénombre est un endroit qui m’a toujours à la fois effrayé et fasciné. J’ai beau me répéter que cette région, désolée et envahie par une mauvaise aura, n’apporte que le malheur à ceux qui la traversent, mes pas finissent immanquablement par m’y ramener, un jour ou l’autre.

J’ai la sensation d’y être constamment épiée, comme si des yeux m’observaient, depuis les buissons longeant les sentiers envahis de mauvaises herbes et que personne n’entretient plus depuis des lustres.

Sur la route menant des Carmines à Sombre-Comté, j’ai pris l’habitude de faire une halte auprès de Kzixx. Ce marchand ambulant gobelin est plus amical que la plupart de ses congénères, mais son nom reste définitivement imprononçable à mon goût. Il me propose régulièrement des accessoires magiques, que je trouve toujours le moyen de refourguer en ville avec un confortable bénéfice. Ça ne rapporte pas autant que les charmes de chance que je vole à ces abrutis d’ogres Brisepoing, qui se terrent dans leur taudis crasseux au sud-ouest, mais le danger est moindre. Il m’a même dégotté un schéma d’ingénierie parmi mes préférés, même si cela reste de l’ingénierie gobeline, donc peu fiable.

https://drive.google.com/open?id=1XbWzp7AnF6BmFBxnNYrY9j8IAszlN0E5

En longeant la Rive sombre, ceinturant la région au nord, en quête d’une éventuelle épave de barque à piller, je remarque un affluent grimpant vers les montagnes. Une haute et fine cascade me fait rapidement face. Je vais devoir trouver un chemin détourné pour accéder aux sources.

La recherche d’une passe ne se fait pas sans difficulté. J’ai beau escalader les rochers autour du manoir de Mantebrume, dont j’ai assassiné l’amoureux éperdu il y a bien longtemps, aucune voie ne semble praticable.

Plus au sud, je finis par atteindre la tour de garde abandonnée du Repaire des Mendiants. Des apothicaires réprouvés y ont élu domicile. Je ne manque pas de leur planter une dague dans le dos. Peu m’importe qu’ils ne se soient pas montrés hostiles. Je me fiche bien de la mauvaise réputation que m’apportera le meurtre de ces insanités animées, que certains s’évertuent à considérer comme des civils. Les morts-vivants ne sont pas les bienvenus sur ces terres, qu’ils soient dotés d’un semblant de conscience ou pas.

Derrière la tour, de grandes grilles dégondées, agressées par la rouille et les ronces, s’apprêtent à s’effondrer totalement. Je n’étais jamais venue jusqu’ici. Une voie sinueuse s’enfonce dans les montagnes. Un bruit lointain d’eau courante m’indique que je touche au but. J’atteins une petite clairière aux parois escarpées, ou un petit bassin marque le début d’une future grande rivière. L’endroit est calme, baigné d’une lueur moins démoralisante que dans le reste du bois, peut-être à cause de l’altitude. Un gisant de pierre naturellement fleuri marque la tombe d’un valeureux combattant, dont le nom a été effacé par l’érosion. Deux gigantesques sentinelles brunes encapuchonnées veillent sur son repos éternel. Je trouve ce cimetière à la fois triste et charmant.

https://drive.google.com/open?id=1-3f2PeYqJANsnLkUrT8TD-2PClJeAK6Q

Je pense que je reviendrai avec quelques amis. Le cadre est idéal pour une soirée de contes de la Sanssaint, où nous nous divertirons des aventures les plus effrayantes qui nous sont arrivées.

À quelques lieues d’ici, j’ai combattu une gigantesque arachnide rouge, couverte de mousse, tapie au fond d’une grotte, dont le croc empoisonné m’a fait office de dague pendant quelques années.

Plus loin, je me suis infiltrée au milieu de champs et de galeries souterraines infestées de worgens, sur les traces d’une faux magique venue d’un autre monde, permettant d’invoquer ces créatures féroces et cruelles… mais incontrôlables.

J’ai défendu Sombre-Comté contre l’attaque d’une abomination couturée, lancée sur la ville par un vieil ermite jaloux. L’enquête des Veilleurs ne leur a jamais révélé que j’avais aidé involontairement cet individu dans l’aboutissement de son méfait. Je déteste le souvenir d’avoir été dupée aussi facilement.

Je me souviens encore avoir accompli la vengeance d’un humain dépossédé de ses terres, abattu un puissant nécromancien réfugié au fin fond du cimetière de Colline-aux-Corbeaux, et échappé à maintes reprises à la mort, face à un colossal guerrier squelette à l’épée flamboyante rôdant entre les pierres tombales. J’ai même vu, de loin, un dragon corrompu, dans une grande clairière cachée au milieu des montagnes.

https://drive.google.com/open?id=1yJ6vzTOpzqsa624BAAZ0XTB9lCYmu864

Mais si je leur raconte tout ça, ils ne voudront jamais me croire, c’est sûr. Je pense que je les laisserai juste parler, pour une fois, en évoquant leurs banales histoires de citrouilles et de chauve-souris, en mâchonnant des caramels de Ruisselune et des barres de chocolat, gardant juste pour moi la satisfaction de les avoir conduit, le temps d’un soir, dans un endroit si chargé de charme romantique.

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La Perce des Serres

Je n’ai pas oublié Galahad, un beau gosse humain rencontré à Teldrassil, lorsqu’il évoquait les wyvernes ailes-fières, dont les nids, perchés sur des éperons rocheux entourant le lac de Mirkfallon, contiennent les meilleurs œufs des Serres-Rocheuses. Sans comparaison possible avec ceux des tisseuses des mousses, qui ont essaimé un peu partout au sud. J’y suis allé une couple de fois, depuis lors.

Je me souviens du petit sentier escarpé surplombant la retraite de Roche-Soleil, duquel je lançais des cailloux sur les toiles des tentes en contrebas, et du petit bosquet oublié au sommet de la montagne, semé de caisses de fournitures, traces d’un bivouac éphémère de la Horde.

Traverser Orneval, puis les Tarides, territoire hostile s’il en est, n’a jamais été une mince affaire, à mon goût. Mais une fois les Serres atteintes, l’endroit est à la fois calme, et bien balisé. J’en ai passé, des heures, à crocheter les cantines endommagées de la mine des Cisailles, médiocrement surveillées par les kobolds, ou à traquer les élémentaires du Val calciné.

Aujourd’hui, la Combe des Cisailles a bien changé. Le vallon est largement déboisé. Le fleuve Loup-noir charrie quantité d’immondices. La KapitalRisk y déverse ses rejets industriels sans soucis pour le pêcheur souhaitant taquiner le goujon. Par endroits, des nappes de naphte nauséabondes affleurent même la surface. Les gobelins exploitent le bois, la terre, et même le lac de la Combe. À quoi peut bien leur servir cette gigantesque roue drainant le flux de la cascade voisine ?

https://drive.google.com/open?id=1S-C03t1PeBitxxvEslcB7Vq18yr71yVu

J’ai connu cet endroit un peu plus verdoyant. Enfin, il me semble. Des souvenirs de rouille et de diamants remontent à ma mémoire. Je parcours du regard la terre sèche et ferreuse, que les rares intempéries, plus sûrement que des pluies acides, transforment en terrain argileux et stérile, où plus rien ne poussera désormais. Pour la rouille, je suis servie.

Un tel paysage me désole et fait bouillir ma colère. Quand il s’agit d’ingénierie, ils ne savent que faire exploser des trucs, sans la moindre finesse. Et leur conception de l’exploitation du territoire ne vaut guère mieux. Mais où sont passées toutes les fleurs ?

En remontant le cours du fleuve, je prends un plaisir sournois à planter une dague en argent dans le dos de chaque défricheur qui ne surveille pas convenablement ses arrières.

Les kobolds sont toujours là. Les cantines endommagées aussi. La mine des Cisailles est encore exploitée. Je m’infiltre discrètement. Je sais que je trouverai sans difficulté un filon d’argent ou deux. Les terrassiers ne semblent pas s’y intéresser.

Au fond d’une galerie, isolé, je repère un gobelin. Il fait sombre. Un fragment de roche se décroche sous mon pied. Le gobelin se retourne. Je m’apprête à attaquer, mais retiens tout juste mon geste.

https://drive.google.com/open?id=1OsbLKilI1_O7Or6b83FxXjwG4mRYtooQ

Piznik n’est pas agressif. Il se présente, et semble ravi de rencontrer quelqu’un d’hostile à la KapitalRisk, dont il prétend pourtant faire encore partie. Il me raconte une histoire qui m’intéresse bien peu : une vulgaire jalousie professionnelle et une vengeance. Il cherche à voler des échantillons de minerai local, pour le compte de ses anciens commanditaires, et m’invite à le protéger pendant sa récolte.

La paie est médiocre. J’accepte, évidemment, mais, camouflée parmi les ombres, je le laisse mourir sous les coups des patrouilles alertées par le bruit. Peu importe son allégeance, qu’ils s’entretuent entre nuisibles me convient tout autant. Je n’aurai qu’à fouiller les cadavres après leur empoignade.

Une fois le danger éloigné, je ressors de ce trou à rat. Face à la sortie, un flanc de montagne non encore déboisé, sert de refuge aux dernières rampantes chassées de la combe.

Je grimpe entre les derniers arbres du lieu. Dans un recoin à l’est, un tauren défoncé à la dorépine semble parler tout seul, baragouinant des énigmes. Je le réduis au silence d’un coup de dague bien ajusté. Fallait pas être là où je me promène, quand je suis de mauvaise humeur.

Un peu plus au nord, une grotte attire mon attention. Des lanternes sin’dorei éclairent l’intérieur. Comment les elfes sont-ils arrivés jusqu’ici ? Je m’engouffre dans ce qui semble plutôt, au second regard, être une galerie. L’endroit paraît convenablement entretenu. La température diminue à mesure de ma progression. Mais pas de trace de vie.

https://drive.google.com/open?id=10JlQM4hTX5aPXqWnNlW-eMeeqzcCBPOR

Un courant d’air ? Où cela mène-t-il ? La lumière change. Un soleil voilé filtre à travers le feuillage de… Huuuu… Je suis à Orneval ? J’ai passé des pu***ns d’années à me taper un contournement harassant, coûtant des jours de voyage, alors qu’il y avait un foutu souterrain entre ici et les Serres ?

Vite, un cerf, ou furbolg, un lapin… n’importe quoi à cogner, que je passe ma colère sur quelque chose de vivant qui ne va pas le rester longtemps !

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Je me souviens du sentiment de progression avec les premières épaulettes que j’ai loot. Des vieilles épau blanches lvl17 ou 18 mais j’étais trop content.

Un petit bump pour ce post qui le mérite, amateurs de belles lettres et de wow régalez vous :stuck_out_tongue:

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Bump mérité, je me réjouis à l’idée de lire en détails toutes ces histoires dans les jours à venir.

Bravo à toi Buchette !

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Merci pour les encouragements !
Après une période clairement surchargée, il me reste donc un petit mois pour rédiger ce que j’avais encore dans les cartons… Mais je préviens, il y aura un peu de tout et de rien…

“Un jour, un lieu, un souvenir…”
Laurent Delahousse, sortez de ce corps!

Les tombes dispersées

Heureusement que le roi-liche se contente des cadavres les plus frais. S’il pouvait relever la moindre dépouille enterrée depuis des éons, les royaumes de l’Est n’auraient pas fait long feu.

Chaque village a son cimetière. Chaque région, ses cryptes. Chaque champ de bataille passé, ses mausolées oubliés. Partout où j’ai voyagé, j’ai retrouvé une trace de ceux qui ne sont pas revenus. Autochtones massacrés, aventuriers téméraires, combattants perdus au champ d’honneur. Et beaucoup, beaucoup trop de tombes de soldats inconnus.

C’est une discussion que j’ai souvent eue, avec Ravelle, à l’époque où nous allions encore à la pêche ensemble. Je me souviens d’une petite île, à l’intersection du fleuve, entre la forêt d’Elwynn, la Marche de l’Ouest et le Bois de la Pénombre. Oh, l’endroit est sans prétention, mais plutôt agréable et serein, quand on connait les mauvaises fréquentations des trois régions avoisinantes, finalement ! Un lieu calme et reposant, à l’abri des combats, idéal pour taquiner le goujon.

https://drive.google.com/open?id=1sl7wlX2rzkc3RSsI3KkeBd5xBpA1uqsM

Ce n’est donc peut-être pas un hasard, si certains ont choisi de se faire inhumer ici. Proche des affaires du monde, mais loin des regards et des dangers…

Ravelle m’avait alors posé une colle : « pourquoi si peu d’épitaphes héroïques ? »

Je n’ai jamais rejoint les rangs réguliers, contrairement à elle. Impossible de m’astreindre à la discipline militaire. Elle avait une réponse assez logique, après tout ce qu’elle avait vu au front.

La plupart des combattants ne meurent pas de manière glorieuse. Le manque d’hygiène, les ravages de la vermine, l’absence de soins appropriés pour la moindre blessure bénigne, sont plus létaux qu’une charge d’orcs noirs chevauchant des worgs enragés. Pour un seul guerrier mourant le glaive au poing dans un corps-à-corps brutal, cinq succombent de plaies nécrosées, dix sont emportés par la dysenterie, la fièvre, le froid, la malnutrition, la peur ou la folie. Sans parler de ceux qui disparaissent au cours d’une débandade ou d’une désertion, perdus, errants, dont on retrouve le cadavre au petit matin, à demi dévoré par une bête sauvage, ou un poignard traître planté entre les omoplates.

Qu’écrirait-on sur leur tombe ? « Il a chié liquide sans discontinuer, jusqu’à son dernier souffle » ? Ou pourquoi pas « Il est parti vaillant, mais son ongle incarné a eu raison de sa fierté » ? Magnifiques gestes pour les bardes de Hurlevent. De quoi lever sans coup férir de nouvelles troupes fraîches de jeunes décérébrés, la tête remplie de rêves de gloire et de conquêtes hautement réalistes ! Pfeu !

Non, mieux vaut ne marquer que leurs noms. Quand – encore – quelqu’un s’en souvient.

C’est sûr, si vous vous appelez Uther, vous pouvez être tranquille. Vous aurez droit à la pierre blanche, aux massifs fleuris, et aux officiants veillant sur votre gisant à toute heure du jour et de la nuit, avec force bougies et encens parfumés.

https://drive.google.com/open?id=1p2LG4j4-VaiNnXNUVB-pEQoZU46p8DUW

Un atroce goût de bile me monte à la gorge. Au royaume des puissants, l’histoire s’écrit dans le marbre, et s’enjolive au besoin. Il te suffit d’une particule pour que des cohortes de pèlerins viennent pleurer devant ta statue. As-tu eu plus de mérite que ceux qui sont tombés, dix pieds derrière toi ?

Mais qu’est-ce qui me prend ? Après-tout, le temps se chargera d’éroder les gravures. D’autres ont aussi pensé laisser leur marque. Qu’en reste-t-il ?

À peine plus au sud, dans les contreforts de Hautebrande, surplombant le donjon de Fort-de-Durn, un autre a eu droit aux honneurs. Sans doute un fier combattant, lui aussi. Un défenseur au bouclier poli et à l’épée ornée de gemmes rouges. Ceux qui lui ont survécu ont dressé un monolithe à son souvenir, à l’ombre d’une petite colline. Mais les ronces ont envahi les grilles de sa dernière demeure. Et la vigilance des gardiens a fini par s’atténuer, laissant l’occasion aux charognards et aux pilleurs de tombes de venir perturber son sommeil éternel.

https://drive.google.com/open?id=10F0ABrmLKFyvtvvAYupiMSFgEj5Hem7x

Lui reste-t-il la moindre dignité, à celui dont les ossements sont à présent exposés aux quatre vents ? Quand la rouille pare son heaume de tâches ingrates, avant d’y creuser des frises irrégulières, et que son épée semble plus émoussée que jamais.

Sa plaque ne dit plus rien. J’ai beau faire parcourir mes doigts sur les entrelacs de pierre, recouverte de lichens, impossible de déchiffrer le moindre mot.

Ce n’est qu’une tombe dispersée comme une autre, voilà tout. Certaines sont plus ostensibles que d’autres. Les vivants s’en soucient pour un temps. Mais les morts s’en moquent probablement.

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toujours aussi agreable a lire :ok_hand:

Le testament d’Hameya

C’est une de ces rencontres impromptues qu’on fait souvent, dans les régions hostiles. Le jeune humain – j’ai déjà oublié son nom – veut juste un peu d’aide pour explorer une crypte. J’ai proposé mes services contre une pièce d’or, payable d’avance, et la totalité du butin en étoffes runiques. Il n’a pas marchandé une seule seconde. Ces paladins sont vraiment des pigeons.

Je ne vais pas cracher sur un contrat facile, surtout par ici. Les Maleterres de l’Est sont littéralement infestées de morts-vivants, et ces choses-là ne sont pas ma tasse de thé.

Au sud de la région, les trolls Écorchemousse ont succombé au Fléau, comme tant d’autres. Groupés autour d’un vieux cimetière, ils tombent sans trop de difficulté, tant que nous parvenons à les assaillir un par un. Bon, sauf quand le boulet recule un peu trop, sans se rendre compte que ses pas l’amènent droit dans le champ de vision d’un autre zombie… et nous voilà avec deux monstres à combattre.

Mais nous nous en sortons sans trop d’écorchures. Un paladin, c’est crétin, mais quand même assez polyvalent, je dois le concéder.

Non, Jojo-la-piété, ça fait deux fois que je te le répète, je ne peux pas assommer ces créatures ! Cherche pas, c’est comme ça. Faudra les buter comme elles viennent, et je suis sûre que tu es assez solide pour encaisser.

Nous descendons prudemment les marches du tombeau. Le vol à la tire sur les occupants des lieux s’avère plutôt lucratif. Je n’en pipe évidemment pas un mot à mon compagnon. Chacun sa récompense : lui la gloire, moi l’argent.

Une fois atteinte la chambre funéraire la plus basse, nous faisons face à Zaeldarr, ainsi que plusieurs de ses congénères, dont Bidule-à-la-masse-brillante veut la peau. Le combat est brouillon. Chaotique, même. Nous nous en sortons de justesse. J’empoche mon butin, tandis que l’autre tranche joyeusement la tête du chef défunt. Je pensais qu’il aurait plus de classe et de dignité que ça. C’est vraiment dégueu’. Venant d’un paladin, j’entends.

Je repère un rouleau de parchemin, dans un coin de la pièce. L’autre rigolo s’enfuit d’une manière un peu précipitée, presque sans dire au revoir. Excellent ! Je vais pouvoir regarder ça de plus près sans avoir à partager.

https://drive.google.com/open?id=1HcvMn44gCqDWGm0PTp746cU_a_mVvr55

Le parchemin déchiré est couvert d’une écriture malhabile et pleine de fautes. J’ignorais qu’il existait des trolls lettrés ! L’un des Écorchemousse, avant que son esprit ne sombre définitivement sous la coupe du roi-liche, a eu le temps de révéler son itinéraire et la destinée de ses richesses.

Je veux bien pleurer sur le sort de la petite Pamela, non loin à Comté-de-Darrow, mais certainement pas sur celui d’un vulgaire Amani qui a bouffé de la viande avariée ! Cependant, je peux bien répondre aux dernières volontés de son testament, puisqu’il m’indique si gentiment l’emplacement de ses possessions.

Quittant le caveau, je me fonds dans les ombres et contourne le bâtiment. Conformément à ce qu’a écrit Hameya, j’avise un vieux chariot de bois abandonné, et fouille aux alentours. Un tas de terre fraîchement retourné m’indique l’emplacement du trésor. C’est presque trop facile…

Mais ce coffre est scellé ! Saleté de troll ! Tous mes efforts pour le crocheter s’avèrent vains. Moi qui me prétendais la meilleure cambrioleuse de tout Kharanos, à une époque pas si lointaine… Heureusement que le paladin n’est plus là. Il se serait bien foutu de ma gueule. Et évidemment, c’est bien trop lourd pour que je tente de trimballer ça.

Je ne vois plus qu’une solution : aller chercher la clé. Où a-t-il écrit qu’il se rendait, déjà, le cadavre ambulant ? Ah, oui… Zul’Mashar.

Je déroule ma carte… Bon sang ! Il va falloir traverser toutes les Maleterres ! Hors de question de sortir le mécanotrotteur. Trop peu discret. Va pour l’approche lente, d’ombre en ombre. Ça va prendre des plombes, mais, au moins, ça sera sûr.

Après une marche d’approche qui semble avoir duré des heures, je finis par atteindre la passe de Zul’Mashar. Les cannibales et les chasseurs des ténèbres locaux ne sont pas encore contaminés, et ils en paraissent d’autant plus féroces. Je louvoie à bonne distance des patrouilles et des sentinelles. Je ne composerai qu’un vulgaire amuse-gueule, s’ils me mettent la main dessus.

Après le col, j’atteins un cirque où une gigantesque pyramide amani occupe presque tout le paysage. À ses pieds, un non moins gigantesque cimetière de tombes fraîches. Je ne sais si c’est la pluie battante, ou bien la perspective de ce qui se déroule ici, qui me fait autant frissonner.

https://drive.google.com/open?id=1h6qIyZ_ohma2EEk3qfjNtFNVILIbudav

À distance, j’observe chaque troll avec attention. Je finis par en identifier un, déambulant, solitaire, recouvert de bandelettes et l’air bien plus défraîchi que ses comparses. Ce doit être mon infiltrateur.

Je m’approche autant que possible, et tâche d’attirer son attention sans éveiller celle des autres. Le corps-à-corps est rude, mais je remporte tout de même la victoire. Fouillant entre les plis du linceul d’une main, me pinçant le nez de l’autre, je cherche, profondément dégoutée, l’endroit où il aurait pu conserver la clé de son coffre. Autour de son cou, sous une chemise en grande partie décomposée, suspendue à une ficelle recouverte d’une épaisse couche de crasse, je déniche enfin une petite clé métallique.

Ne traînons pas dans le coin. J’empoche ma trouvaille, et quitte aussi vite que possible cet endroit de sombre augure.

La route du retour vers le caveau de Zaeldarr est aussi longue qu’à l’aller, mais j’y retourne cependant avec le sourire aux lèvres, songeant à toutes les richesses qui m’y attendent. Maintenant que j’y pense, j’ai complètement oublié de reboucher le trou ! J’espère que personne n’est passé dans le coin durant mon absence. Ça me rendrait malade d’avoir été doublée bêtement pour une telle faute d’inattention. Je ne dois jamais plus réitérer une telle bourde !

Heureusement, les morts-vivants Écorchemousse semblent avoir bien monté la garde. Le monticule de poussière n’a pas bougé d’un iota, et le coffre est toujours là.

https://drive.google.com/open?id=1-sU4OE2KF2AUFsexISkqFv_aV7kB2U6n

Je sors la clé d’un geste fébrile, et actionne la serrure, qui, cette fois-ci, ne fait aucune difficulté pour s’ouvrir. Et bé ! On peut dire qu’il ne s’est pas foutu de ma gueule, le troll. Promis, désormais, je les respecterai un peu plus, ces bestiaux. Enfin, si j’y pense !

Aux portes de Grim Batol

- Drumsted Rage-acier, du clan Marteau-Hardi. Je viens pratiquer un holocauste. Faisons équipe ?
- Buchette Clamesac, de Forgefer. Je viens dépouiller les cadavres. Ne vous déplaise, je fouillerai aussi le vôtre si vous veniez à périr.
- Charmant, mais conclus.

Les présentations sont laconiques. Le nain a un sourire en coin. Je sens qu’on va s’entendre.

J’étais venue tuer quelques dragonnets cramoisis dans les Paluns. Une rumeur anodine de bestioles peu farouches, que l’on pouvait parfois apprivoiser, puis revendre à prix d’or, m’avait mis la puce à l’oreille. Je voulais tenter ma chance.

Ma méthode, en général, c’est la finesse. Approcher en silence dans le dos de la cible, frapper d’un geste vif pour lui sectionner les nerfs les plus sensibles, ou trancher ses cordes vocales, danser autour de l’adversaire pour esquiver ses tentatives maladroites de riposte, puis assener le coup fatal, avant d’amortir sa chute, pour limiter le bruit. Enfin, lorsque le terrain s’y prête, camoufler le corps sous des broussailles ou dans la bourbe, pour limiter les risques d’alerte.

https://drive.google.com/open?id=1_knk8I7ocRFtpoM8dFD2NcA4U-8Z2V_7

À l’entrée des portes des Gueules-de-dragon, un remue-ménage criard perturbe ma chasse. Un tourbillon de cuir et d’acier fonce d’un draconide au suivant. Deux pieds de barbe pour 4 pieds sous le menton, presque aussi large que haut, les muscles saillants, les phalanges crispées sur une gigantesque hache à deux tranchants, qui vole allègrement à va et à vient, à travers les écailles des wyrms pourtant solidement protégées, le guerrier semble emporté par une frénésie confinant à la folie.

C’en est fini de ma tranquillité.

Je passe d’un monticule de dragons décapités au suivant, récoltant quelques piécettes que le combattant n’a pas l’air de considérer avec intérêt. J’arrive au dernier tas, et patiente tranquillement qu’il termine sa dernière proie. Je projette une dague de lancer sur la victime, par pure courtoisie, juste avant que le nain ne lui fasse rendre le dernier soupir.

La tornade de guerre se retourne tranquillement, sans inquiétude, ni signe de fatigue apparent. Des anneaux de bronze cliquètent dans ses cheveux tressés. Une chemise verte et orange, tâchée de sang, s’enfile dans un rutilant pantalon de maille finement ajusté à sa corpulence. On reconnaît un vétéran au premier coup d’œil.

Après quelques mots, je laisse le porteur de hache prendre l’initiative. Il se débrouillerait très bien sans moi. Je soupçonne qu’il voulait juste un peu de compagnie. Ça m’arrange : il n’a pas l’air de porter la moindre attention du monde au butin.

Grimpant progressivement le sentier menant à Grim Batol, franchissant successivement les quatre portails brisés, nous nous désaltérons à l’occasion de quelques pauses courtes, mais régulières. Sa langue finit par se délier un peu.

Ancien enrôlé de l’Alliance, il était factionnaire à Dun Modr lorsque la Horde a déboulé dans les Paluns, durant la Deuxième Guerre. Sa brigade a été repoussée au-delà du viaduc de Thandol. Nombre des siens y sont restés, pour ralentir la progression des orcs. Lui, a eu peur de mourir. Il avait une famille. Aujourd’hui, il regrette d’avoir survécu. Comment pouvait-il savoir que les dragons rouges, asservis par l’ennemi, contribueraient à la chute fatale de Grim Batol ?

Forgefer avait tenu bon. Pas la cité des Marteaux-Hardis. Tous avaient été massacrés. Civils comme militaires. Il n’a jamais su comment avaient péri sa femme et ses deux filles.

Depuis lors, tous les deux ans, il quitte le refuge des Hinterlands pour une expédition vengeresse sur les traces de ses amours perdues.

Les rares Plaiedécailles rouges, livrés à eux-mêmes et déboussolés, ne font pas long feu sous nos coups. Mais le temps passe vite, et nous arrivons au sommet, à l’approche du crépuscule.

https://drive.google.com/open?id=1t1fmgx_x_51kwmPN3RP1-8QJI2j9Yj-_

Si tous les autres nains semblent avoir abandonné l’espoir de reprendre la ville souterraine, Drumsted, lui, refuse de se faire une raison. Mais, à chaque voyage solitaire, comme aujourd’hui, il atteint les portes, que nous ne parvenons pas à forcer. Un silence de mort règne ici.

À quand cela remonte-t-il ? Dix ans ? Quinze ans ? J’ai l’impression, tout comme lui, que c’était seulement hier. Pourtant, la nature a repris ses droits. L’herbe a repoussé, dans la plaine autrefois brûlée par le feu des dragons. Peu ou pas de vestiges des combats féroces qui se sont déroulés ici. Il pourrait aussi bien ne s’être jamais rien passé.

Peut-être, en creusant un peu, pourrait-on mettre la main sur les arceaux rouillés d’un tonneau de poudre, ou quelques ossements noircis de ceux qui ont défendu l’endroit en pure perte ?

https://drive.google.com/open?id=1vbwBE92hN6W3GO6LOnHA9fUZWdArRNv6

Avant de nous quitter, Drumsted me fait une curieuse proposition : « Si vous passez par les Hinterlands, mademoiselle Buchette, n’hésitez pas à faire halte au Nid-de-l’Aigle. La table y est bien garnie, et une dague bien maniée et un esprit vif seront toujours recrutés avec plaisir. »

Les nains des collines n’ont rien perdu de leur sens de l’honneur. Mais il leur reste encore bien des terres à reconquérir.

Je n’ai pas prévu de détour par le nord prochainement. Mais peut-être, un jour, qui sait…




Ou, comme dirait l’autre, de manière bien plus directe : le < Clan Wildhammer > recrute !

Le drapeau de Lordaeron

La foudre tombe derrière moi, à quelques pas à peine. Je manque de tomber de mon mécanotrotteur. Je me retourne. Un nuage de poussière noire se soulève, à l’endroit précis où je me trouvais, il y a encore un instant. La dépouille de la hyène Raillecroc que je viens juste de tuer a été littéralement carbonisée sur place lors de l’impact. Si j’avais traîné une minute de plus pour lui dépecer les joues, j’aurai fini noircie instantanément… Brrrr…

Cette région me donne la chair de poule. Le ciel menace en permanence de s’abattre sur vos têtes. Les créatures locales sont décimées par des chasseurs avides de composants convoités, et le gigantesque portail, de sinistre mémoire, laisse toujours planer le sombre souvenir des invasions d’Azeroth.

Il n’y a bien que l’appât du gain qui peut me faire rester pour une durée déraisonnable dans ce coin maudit. Dans le nord, une couple elfes de sang propose ses tonifiants magiques et ses drogues énergisantes à qui voudra bien leur rapporter toutes sorte d’extraits d’animaux. Gésiers de vautours, poumons de sangliers, cerveaux de basilics, et j’en passe. De quoi tester la résistance des cœurs sensibles, qui n’ont d’autre choix que de retourner la tripaille des monstres qu’ils abattent. Répugnant. À croire que cette région n’attire que les tarés de la pire espèce.

https://drive.google.com/open?id=1WJfYsCRVaE_s-aE4pkfutxz8382ve6fG

Ce n’est pas tant de mettre les mains dans des viscères, qui me dégoûte, que de savoir que Lynnore et Drazial utilisent ça dans leurs décoctions et leurs mixtures, pour améliorer les performances de ceux qui sollicitent leurs services.

J’avoue avoir testé leur poudre de scorpok terrestre. Pas mal, mais onéreuse.

Non, définitivement, je préfère massacrer la rare faune locale et féroce, pour revendre les abattis aux plus offrants.

Les vautours sont ma cible favorite. Entre leurs plumes, leurs gésiers et leurs serres, j’ai de quoi contenter une demi-douzaine de clients. Les œufs géants, je les garde pour moi. J’ai une recette spéciale pour les assaisonner, qui fait passer le goût rance qui imprègne ces créatures et leurs restes. Un vrai délice !

J’ai même le souvenir d’avoir trouvé un fragment de draenéthyste imparfait, un jour, coincé sous une de leurs griffes. Un simple petit éclat turquoise, de la taille d’un ongle, qui brillait vivement malgré la faible lumière. J’en ai retiré un bénéfice plus que substantiel. J’ai beau savoir que ce n’est pas rationnel, depuis, je ne traverse jamais la zone sans décimer tous les racleurs-d’os du coin, même s’il m’en coûte un détour.

Je grimpe les hauteurs, pour mieux repérer les zones de charniers, qui forment l’habituel point de ralliement de ces rapaces. Je distingue, au loin, le contour du portail vers Draenor, que je me suis promise de ne jamais traverser.

https://drive.google.com/open?id=1BBnGT03Hv1LzRKLfgB0l-vusD2bC0VxD

Rappelles-toi bien ça, Buchette. Chez les Clamesac, on ne change jamais d’avis, même quand on a tort. Surtout quand on a tort. Ça rend prévisible, certes, mais fiable. Et la fiabilité, c’est une vertu qui se perd.

Je me rappelle ces mots de mon oncle adoptif. Quitte à passer pour une tête de mule, autant l’assumer jusqu’au bout. Je ne connais personne qui soit revenu du passage au-delà de cette porte dimensionnelle. Je ne suis pas folle au point de prendre de tels risques. Et pas altruiste au point de me dire qu’un tel sacrifice préservera Azeroth. Qu’est-ce qu’on a pu en entendre, des conneries de cet acabit, depuis quelques décennies…

En parlant de conneries…

Je reste inattentive une seconde, et un sanglier infernal me charge. Cette saloperie abîme les rouages inférieurs de mon mécanotrotteur et me désarçonne. Je vais le défoncer !

J’observe la bête et repère les points faibles de ses articulations, entre les dangereuses cornes dorsales. Un surinage en règle pour me donner le temps de réfléchir. Je contourne, frappe sournoisement les jonctions des tendons de ses pattes arrières, avant d’esquiver de justesse un coup de défense de la créature sortant de sa stupeur. Elle pensait me prendre en traître : c’est moi qui vais la dépecer dans les règles de l’art. En moins d’une minute, le cochon démoniaque se vide de son sang, affalé sur le flanc, contre la terre ocre et desséchée. Ma veste totalise plusieurs nouveaux accrocs. Zut !

Un bout de tissu déchiqueté est accroché à une de ses piques. Je le décroche et l’inspecte. Je reconnais les couleurs et les symboles. Il ne reste plus grand-chose de l’Alliance de Lordaeron, par ici.

Une guerre trop tôt ou une guerre trop tard. Des cadavres, des armes de siège détruites, des tombes à n’en plus finir. J’ai longuement écumé la région. Les seuls souvenirs à peu près vaillants qui rappellent la gloire dont ces combattants se paraient, ce sont sept petits drapeaux. Sept ridicules petits drapeaux – pas un de plus, pas un de moins – dispersés dans toutes les Terres foudroyées.

https://drive.google.com/open?id=1usmu4HwHS_gTcxQkGgHtED1ECTY9rQe4

Enfin, sept… J’avoue, le dernier que j’ai repéré se situe à l’entrée de la Balafre impure. Peut-être s’en trouve-t-il d’autres au-delà ?
Qu’on ne compte pas sur moi pour aller vérifier. Ceux qui s’aventurent dans ces terres envahies par les démons ne reviennent jamais entiers. Les plus chanceux y laissent seulement un œil ou un bras. D’autres y laissent leur âme.
Merci bien, mais très peu pour moi.

Le journal du Crépuscule

J’aime bien Silithus. Sauf les tempêtes de sable, les créatures agressives et infectes à cuisiner, les adorateurs de cultes élémentaires qui ont implanté des campements un peu partout, sans parler de ces foutus insectes qui semblent grouiller autour du moindre cristal géant.

Bon, en fait, non, je n’aime pas trop Silithus.

Mais je dois reconnaître que, lorsque j’ai besoin de minerais de qualité, cette région n’a pas son pareil. Dommage que les endroits les plus intéressants soient aussi les plus mal famés.

https://drive.google.com/open?id=1o-cCr13FY59mzmBadkYH2m9vMj3gYwkM

Un riche filon de thorium me nargue, à cinquante pieds d’ici, niché dans un coin de falaise, surplombant la Ruche’Zora. Je cherche du regard le meilleur moyen de l’atteindre, sans attirer l’attention des monstrueuses guêpes qui le voisinent.

Subitement, une voix susurre à mon oreille : « Dis, p’tit chou, tu pourrais nous aider ? »

Je sursaute de surprise, et manque de me cogner au visage de l’elfe au regard narquois, accroupi à deux pas de moi, qui sort subitement des ombres. Un peu en retrait, un de ses semblables, un guerrier accompli, si j’en juge par sa lourde armure de plaques et son bouclier cabossé, me fait signe, un sourire en coin.

Ils ont repéré une cible alléchante, mais craignent de ne pas faire le poids, et sollicitent des renforts pour réussir leur coup.

Un peu plus loin, dans le désert profond, ils ont traqué un prophète du Crépuscule, qui, au vu de son escorte, doit être un personnage très important. Sa mise à mort leur rapportera sans doute beaucoup d’honneur auprès du Cercle cénarien local.

Les termes du service sont vite conclus : à moi l’or et les étoffes runiques, à eux tout le reste.

Nous enfourchons nos montures, et je suis mes deux nouveaux compagnons de route, plein nord, esquivant de mon mieux les Cinglepierres et les Térébrants.

Nous arrivons rapidement en vue d’une patrouille imposante, que nous suivons à une bonne dune de distance, afin de ne pas attirer leur attention.

Une humaine de grande taille, aux cheveux gris, accoutrée comme une démoniste, est ceinte d’un singulier bandeau rouge vif lui masquant les yeux. Quatre paires de bras, orcs et morts-vivants, tous hérissés de maille et d’acier, la précèdent, une masse de bataille dans chaque main. Ceux-là ne doivent pas rigoler tous les jours.

https://drive.google.com/open?id=1eoKjolYr1Bc6ESEC2V8Hq_8uU3ls3XaX

Nous affinons notre plan d’attaque. Le voleur et moi nous approchons subrepticement du groupe, pour assommer simultanément deux des massiers, juste avant que le guerrier n’en charge un troisième. Étourdi par l’impact, celui-ci met quelques instants avant de réagir, tandis que son dernier acolyte se jette vivement sur l’intrus.

Le premier elfe s’approche sournoisement de la cible, et déchaîne ses dagues dans son dos, lui lacérant les muscles au niveau du bassin et de la nuque. Je me joins rapidement à lui, afin d’abattre le premier adversaire.

Pendant ce temps, la prophète n’est pas en reste, et prend part à l’affrontement, à notre étonnement. Ces fanatiques n’ont décidément peur de rien ! Le guerrier s’efforce de contenir leur attention, parant de son mieux les coups brutaux portés par les sectateurs du Crépuscule. Son bouclier manque de se briser à plusieurs reprises, et plusieurs coups mal ajustés lui infligent de sévères contusions.

De notre côté, nous accélérons autant que possible notre ballet de lames, afin d’en finir avec cette racaille enragée qui ne semble pas vouloir mourir facilement.

Le dernier corps se tétanise à son tour, après avoir gratté le sable de ses ongles brisés, dans une dernière convulsion. L’heure de la victoire sonne.
Les elfes se lancent des congratulations à n’en plus finir, et pansent leurs blessures, tandis que je me charge de la seule chose intéressante : fouiller les cadavres. La récolte est jubilatoire : huit étoffes runiques, une brassée de papiers codés, une potion de mana majeure, et près de quarante pièces d’argent. J’exulte !

Enjouée par le tour que prend l’aventure, je laisse volontiers la fiole de mana aux deux grandes perches. Peu d’efforts, grande richesse. Je tends au guerrier la pile de papiers froissés, aux symboles strictement indéchiffrables. Ces textes du crépuscule cryptés ne leur seront d’aucune utilité, j’imagine. Mais un contrat est un contrat. Leur visage ne laisse rien transparaître, mais ils doivent être terriblement déçus.

Après des salutations à la mode de chez eux, à coup d’Elune-je-sais-plus-quoi, les elfes me quittent. Ils n’ont même pas pris le temps de récupérer un morceau de la prophète ; main, tête ensanglantée, ou mèche de cheveux, afin de prouver son exécution aux druides. J’ai comme un doute…

Déterminée à tirer cela au clair, je recherche leurs traces, dans le sable, avant que le vent ne les fasse disparaître. La précipitation avec laquelle l’elfe a fourré les feuillets dans sa besace, comme un document précieux à ne pas laisser à l’air libre, ne cesse désormais de m’occuper l’esprit.

Ils ont filé droit à l’est. Le village maudit de Sudevent ? Non. Toujours plus à l’est. Je peine à retrouver leur piste, mais, bientôt, leurs tigres sont en vue, au repos, près d’une falaise à pic. Je m’approche doucement, jusqu’à découvrir l’entrée d’une caverne, cachée par les reliefs.

https://drive.google.com/open?id=1r3MkzqmXQ51ry_mpgqFEnwkc8moV101N

Peu après, je les vois en sortir, l’air gaillard, s’esclaffant à n’en plus finir. Je n’interviens pas et reste tapie dans un coin.

J’ai bien l’impression de m’être faite avoir… J’attendrai qu’ils soient partis pour aller résoudre cette énigme. C’est pire qu’une trahison. C’est un affront à mon sens élémentaire de la fourberie.

Seradane

Il fait un temps à ne pas mettre un chouettard dehors. Belle idée, tiens, de se dire que la pluie m’évitera facilement des mauvaises rencontres, et que la chasse aux filons sera plus lucrative !

Une mèche de cheveux agglutinés balaie mon visage, gênant ma vue. Ma veste est trempée à l’extrême. À chaque fois que je relève la tête, j’ai l’impression qu’une cascade gelée dévale ma colonne vertébrale. J’ai froid… Toutes ces foutues conditions à subir pour mieux trouver du mithril… Je t’en foutrai, du mithril, moi !

Je trouve provisoirement refuge à l’entrée de la grotte du rocher de l’Affût, entre deux averses d’une rare violence. Je compte me réconforter avec un pain de maïs moelleux, mais mon dépit ne fait que s’accroître. Ma besace est aussi humide que le reste, et mes rations de campagne se délitent entre mes doigts. J’ai envie de pleurer. Qu’est-ce qu’ils peuvent bien y trouver de vivable, les nains des collines, dans ces foutus Hinterlands ?

Je jette un œil à l’extérieur. La tempête se fait ondée. Il est peut-être temps de repartir, et tant pis pour l’estomac creux. À l’est, un pont de corde amani traverse la rivière, en direction de Seradane. Je n’ai encore jamais osé mettre les pieds là-bas. J’ai entendu toutes sortes de rumeurs sur cet endroit.

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Les planches moisies et vermoulues glissent sous mes pas. J’aimerais bien que les cordages ne choisissent pas cet instant pour craquer. Le cours du torrent, gonflé par les ruissellements abondants de la journée, est plus impétueux que jamais. Si je tombe, je n’aurai aucune chance de parvenir à rejoindre la rive.

Plus que six pas.

Plus que trois.

C’est bon !

Je passe sous l’arche de pierre en piteux état, pour débarquer dans une vaste plaine verdoyante, au milieu de laquelle un arbre absolument gigantesque a pris racine. Les restes d’architecture trolle font désormais place à des ruines de style kaldorei. Elle doivent remonter à des temps immémoriaux ! Pas le moindre signe de restauration depuis au moins des siècles.

J’avance aussi discrètement que possible, sous la pluie qui s’est remise à battre violemment. Floc, floc ! Les chaussures de cuir imbibées d’eau, ce n’est la panacée ni pour le confort, ni pour la furtivité.

Quelques mouvements dans le brouillard environnant. Des groupes de draconiens verts patrouillent autour de l’immense rampe ascendante en marbre, conduisant au tronc de l’arbre central. Sentinelles oubliées d’un monde perdu ?

De vieux racontars de taverne prétendent que l’endroit cache un portail menant au Rêve d’émeraude, et même que les plus hardis, ou les plus fous qui s’en sont approchés, se sont retrouvés face à l’un ou l’autre des lieutenants d’Ysera, les terribles dragons d’émeraude.

Je ne suis pas assez stupide pour accorder foi à de telles sornettes.

Je ne suis pas non plus assez idiote pour aller vérifier par moi-même ce qu’il en est. Aucune de ces histoires ne parle de richesse ou de montagne d’or. Je n’ai donc pas de raison rationnellement valable pour aller risquer ma peau en haut de ces marches.

Je contourne chacune des ruines, à la recherche de mines inexploitées. Les gardiens sylvestres ne doivent certainement pas en avoir l’utilité. Mais, peine perdue, je ne trouve pas le moindre monticule de fer ou de mithril.

Progressant vers le nord, une petite lueur rouge attire mon attention, dans la brume environnante. Je m’approche. Une étrange flamme vive crépite devant une stèle dressée, polie par le temps, et exempte de toute marque.

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La curiosité me perd une fois encore, et je passe un bon quart d’heure à inspecter cette anomalie, sans pouvoir en tirer la moindre information, ni la moindre idée de monétisation possible.

Le sol se met à trembler. Des pas lourds se rapprochent dans mon dos, tandis que des incantations scandées me font frissonner. Un groupe de draconiens de Verdantis m’a repérée, et s’apprête à me régler mon compte. L’évaluation de leur puissance est vite faite : ma seule échappatoire est la fuite la plus rapide possible.

Sans réfléchir, je me précipite dans le sens opposé, grimpant vers les hauteurs, espérant semer mes assaillants. Je crois que je n’ai jamais sprinté aussi vite de toute ma vie !

Je ne me retourne pas. Quand le bruit de la poursuite semble s’interrompre, je continue ma course pendant encore quelques bonnes minutes. On n’est jamais trop prudents. La montée est raide. J’aborde un virage sur la gauche, et atteins une petite clairière.

Si je m’étais attendue à ça !

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Un grand cercle de pierres, similaires à celle repérée dans la plaine, occupe tout l’espace de ce plateau. Un crâne de dragon en orne le centre. Face à moi, la base d’une des stèles nage dans une curieuse lueur bleutée.

Je ne sais pas quoi penser de cet endroit.

Ou, plutôt, si. Je sais exactement quoi en penser : je ferais mieux de ne jamais en parler. Personne ne me croira, et on ajoutera ça à la multitude des légendes d’ivrognes tavernières de Hurlevent. Et mieux vaut se taire que passer pour une alcoolique !

Escapade aux Tarides

Encore un plan qui a mal tourné. Nous aurions mieux fait de ne pas attaquer la Croisée.

Au début, je trouvais l’aventure palpitante : quoi de plus exaltant qu’un raid vengeur, sur les arrières-bases de l’ennemi, pour le forcer à être aux aguets partout ?

Mais c’était sans doute trop classique, et ils y étaient préparés. Ou pire, nous avons été trahis et quelqu’un les avait informés. Peu importe, le résultat ne changera plus.

Sur les huit du groupe initial, nous ne sommes plus que trois. Le vent a tourné.

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Au premier assaut, nous n’avons pas rencontré de résistance sérieuse. Tout au plus, avons-nous effrayé un trio de trolls déguenillés aux outils rudimentaires, qui se sont enfuis à toutes jambes, vers le sud, hurlant d’effroi. « K ek, kek, kek » , criaient-ils. Sans doute un code d’alerte pour leurs congénères.

Une fois quelques gardes abattus, et les rares civils éparpillés, nous pensions à un butin facile, et à un avertissement qui ferait frémir les prochains membres de la Horde qui débarqueraient dans le village dévasté. Quel excès de confiance ! Nous n’avions pas fini de visiter la dernière fichue cahutte en terre, qu’ils ont débarqué en nombre.

Au milieu des fourrages piétinés du nichoir à wyvernes, une troupe complète de taurens venait de prendre pied. Équipés d’armures robustes et de haches aux tranchants effilés, ils n’ont pas eu besoin de plus d’une dizaine de secondes de concertation pour nous repousser. De véritables professionnels.

Nos prêtres ont été les premières victimes. Le paladin, dans toute sa ferveur, a supplié la Lumière de le protéger, jusqu’à ce que celle-ci forme une bulle de protection infranchissable tout autour de lui. Les brutes sanguinaires se sont réunies autour de lui, un sourire narquois aux lèvres, attendant la fin de l’effet. Je ne sais combien de temps cela a duré. Je me suis échappée tant que leur attention était détournée.

Quittant le campement par la porte orientale, je ne manque cependant pas de jeter quelques tisons sur les toitures de toile, et ma dernière torche grésillante termine au pied des parois du grenier à blé. Que cette expédition ne soit pas totalement vaine. En chemin, je trébuche sur le cadavre de notre chasseur. Je ne l’avais pas vu se faire tuer. Son corps est encore chaud. Je ne prends pas le temps de m’arrêter. À la guerre, il y a toujours des pertes imprévues. Le mot d’ordre est passé de lui-même : sauve-qui-peut.

Quelques adversaires talonnent le mage et la guerrière elfe, qui se dirigent droit dans ma direction. Ils sont très rapides, et leurs poursuivants ne le sont pas moins. Je quitte les ombres pour accélérer le rythme, et ne pas me faire piétiner. Je leur fais signe, et pointe du doigt vers les collines.

Les taurens sont réputés pour leur endurance, mais je n’ai jamais entendu dire qu’ils étaient des grimpeurs d’exception. Un rapport avec leurs sabots, peut-être. On a l’allure moins sûre quand le moindre petit pierrier glisse sous vos bottes.

Un cri de douleur, et des exclamations de joie derrière moi. Le mage a pris une flèche. Les autres vont le réduire en charpie. Je ne me retourne pas. Je ne sais même pas si l’elfe me suit encore. Je n’entends que le frottement de mes pas précipités, ma respiration forte et haletante, face au coteau trop raide, et mon cœur qui bat à tout rompre.

Quelques trotteurs sauvages, perdus à flanc de montagne, sont effarouchés par mon passage. Ils ne doivent pas souvent voir des gnomes, par ici.

J’atteins bientôt le sommet de la montagne. La traque doit avoir cessé. Je reste tout de même aux aguets : les falaises sont abruptes, dépourvues de toute végétation. Je les verrai venir de loin s’ils sont encore sur ma piste.

Sur un léger promontoire, au sud, un grand feu est allumé. Il y a donc des autochtones vivant à cette altitude ?

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Une forge rudimentaire, une enclume, quelques fournitures disparates autour d’un abri de fortune… l’orc vivant ici ne semble ni féroce, ni hostile. Pour tout dire, il semble clairement coupé des soubresauts du monde d’en-bas. Je le lacérerais volontiers de quelques coups de dague dans son sale cuir verdâtre, pour me déstresser de notre pitoyable débandade. Mais les bruits de combat pourraient relancer l’alerte. Les sons portent très loin, dans les plaines des Tarides.

Je remonte à l’extrémité du belvédère. C’est un véritable panorama à trois cent soixante degrés qui m’entoure.

Au sud-est, je devine Cabestan, cachée par les collines. Puis la Côte des marchands… doux patronyme, pour les flibustiers des mers du Sud qui y ont trouvé refuge, tenant tête aux cartels gobelins.
Dans le prolongement, l’escalier des marées, où une drôle de taurène chamane avait invoqué des esprits marins, pour m’aider à purifier de l’eau souillée de Gangrebois. J’ai l’impression que cela remonte à des lustres.

Encore plus au large, une tâche sombre, vers la mer. Sans doute l’île de la Dispute, dont m’a parlé Ravelle. Elle a beau prétendre avoir subi des épreuves guerrières là-bas, je me demande encore comment elle aurait atteint l’endroit sans se noyer.

Une zone plus claire, contre la cordillère sud. Certainement les épaisses et hautes murailles grises du Fort du Nord.

https://drive.google.com/open?id=1_W4CkLUze82gA0yKcxMRmlk0ONFGDRu6

L’Alliance est donc bien présente ici, et n’en rougit pas ! Ces soldats de Theramore, restés fidèles à feu l’amiral Portvaillant, continuent de tenir tête à la Horde, n’en déplaise à certains. Cette endroit doit redevenir un caillou dans la botte de Thrall. Orgrimmar ne doit pas avoir l’esprit tranquille, à cause des assauts qui peuvent surgir de ce bastion de premier ordre.

Je devine un avenir pas si lointain, où cet endroit sera à nouveau le théâtre d’affrontements sanglants…

Le ponton de Quel’Thalas

« Pas chiche ! »

Buchette, pour une fois, encore, tu n’aurais pas pu te décider à fermer ta grande gu**le ?

C’était peut-être la date anniversaire, mais il n’y avait pas lieu de fêter ça. En aucune manière. Promis : demain, j’arrête l’alcool et je ne bois plus que du lait glacé.

Ici aussi, la Grande mer est glacée. Le Norfendre est évidemment invisible à l’horizon, mais les courants marins doivent en venir directement, pour lécher nos côtes et les rafraîchir. Je me pèle, mais ça me servira de leçon.

C’est le seul moyen d’accès que je connaisse, de toute manière. La voie terrestre pour le Quel’Thalas, au nord des Maleterres de l’Est, est aujourd’hui impraticable, obstruée par un éboulement. Sont-ce les Hauts-Elfes qui ont tenté vainement de bloquer ainsi la progression du Fléau ? Ou bien les colonnes de machines de guerre ont fait trembler la terre jusqu’à provoquer l’effondrement des montagnes ? Peu importe. Personne de sain d’esprit ne voudrait retourner là-bas.

Alors pourquoi je m’entête, les pieds trempés, à longer la plage des clairières de Tirisfal ?

Surtout, ne pas faire demi-tour. Quand on a des principes, on ne change pas d’avis. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’… Ouais, et puis zut. J’assume.

Au bout de quelques heures, la tour sin’dorei est en vue.

https://drive.google.com/open?id=1vHlMz2ApftcGL4wglErB_fNVDGeSMrWK

Je reconnais le bâtiment de loin. Je suis déjà venue ici, une seule fois.

Ils l’ont retrouvée après trois semaines de recherches. Un accident de pêche, ils ont dit. Le froid a conservé la dépouille d’une manière inhabituelle, ils ont rajouté. Mais pourquoi être venue ici, ont-ils demandé ?

Aujourd’hui, je connais la réponse.

On n’a pas tous un profil de héros. Et, de toute manière, dans la vraie vie, les héros sont ceux qui meurent en premier.

C’était donc ça qu’elle voulait ? Merci pour la confidence et la confiance. Et surtout, à jamais !

Je me doutais depuis un moment qu’un truc pas net lui trottait dans la tête. Mais de là à se frotter à des idées pareilles… Elle a voulu jouer avec le feu, et elle a fini givrée.

Oui, je n’ai pas mieux que l’humour stérile pour contrer le frisson qui me remonte le long de l’échine. Transformée en chevalier de la mort. Brrrrr.

Je scrute l’horizon depuis le ponton presque immergé, observant l’immensité de la mer et de ma solitude.

https://drive.google.com/open?id=1-knHYirJzVQN79VKHZInIN31Bn7VwaYU

Des remords ? Je ne pense pas. Des regrets, alors ? Pourquoi être revenue ?

Je fais un tour sur moi-même. Personne, évidemment. Quels sont donc ces spectres qui me hantent ? La mauvaise conscience, en cadeau d’adieu ?

Très bien. Alors pour l’amour des titans, asseyons-nous au sol, et racontons-nous donc les tristes histoires de morts royales.

Llane Wrynn, lâchement abattu par Garona ? Tu as cru pouvoir t’assimiler à lui, dans la guerre contre la Horde, que tu n’as pas manquée de perdre ?

Terenas Menethil, sommairement exécuté par son propre fils ? Pour vaincre au combat, tu a pensé que toutes les extrémités étaient envisageables ?

Arathor, vaincu par son excès de curiosité ? Et puis quoi encore ? Tu pensais pouvoir éradiquer les trolls à toi toute seule, et forcer le respect de l’Alliance ? Le seul mur que tu as bâti était celui de ton obstination crasse. Ça doit être un trait de famille.

Varian Wrynn, disparu en haute mer lors d’un voyage diplomatique ? Tu as pensé que ton propre sacrifice aurait une répercussion sur le cours des choses ? Quelle vanité !

Ni toi, ni moi, n’avons fréquenté ces hommes. Je doute que tu les aies aperçus un jour, même de loin. Leur pouvoir, leur puissance était bien au-delà de notre portée. Nous ne sommes pas fait de ce bois-là. Insignifiantes, c’est tout ce que nous devions être. Tu pensais t’élever, mais notre action participe à l’effort commun sans retenir nos noms. Ce n’est pas ce qui importe.

Tu aurais mieux fait de m’écouter, les rares fois où tu acceptais qu’on se voie, lors de nos séances de pêche au bord des lacs gelés de Dun Morogh.

La volonté ne fait pas tout. Il y a des gens qui sont destinés à briller. Tu n’en étais pas, et il aurait mieux fallu te faire une raison. Te faire relever dans ce corps sans âme, à la volonté contrôlée par un autre, était la dernière des choses à faire. Celle de trop, sans doute.

J’ai l’esprit plus serein à présent. Le soleil se couche. Je suis restée trop longtemps à rêvasser, et un mince courant d’air agite les maigres buissons environnants, me rappelant à la réalité.

Finalement, je crois que je n’avais juste pas réussi à faire mon deuil. C’est idiot. Cela remonte à seulement une décennie. Pourtant, le souvenir s’efface déjà. Je revois quelques images d’un modeste fragment de sentinelle.

https://drive.google.com/open?id=1QAaLQgDwXi7YhmYBLwzB3X_ssROjrdoq

Un éclat, subitement. Un corps retourné à la mer. L’image est floue, sans couleur.
Déjà, elle est oubliée.
Peu importe. Nous étions sans importance.




Ce dernier chapitre clôture le cycle de ces petits récits de souvenirs (plus ou moins enjolivés).

Une compilation de ces textes est disponible en version PDF, pour ceux qui chercheraient un peu de lecture, au cours d’un trajet de bus ou dans une salle d’attente. :wink:

https://drive.google.com/file/d/1nCS7zZCcUBxtbdknCMi9Gl3_ILdqohDK/view

Pour la suite, ce sera désormais en jeu. À bientôt, sur Sulfuron ou ailleurs !

3 mentions « J’aime »

Allez, zou, un petit up sans vergogne.
Faut pas que ce genre de truc tombe dans les abîmes de l’oubli :stuck_out_tongue_winking_eye:

Salut.quel plaisir de te lire.est-ce-que tu joues a wow classic?si oui.et tu satisfait?